Viens la mort on va danser
enfants.de la cité, puis la flamme diminue et disparaît : cette flamme qui,
grandeur et modestie de ces jeux, fut noyée un matin par les pluies
torrentielles et rallumée sans protocole par un gardien du stade. Il suffisait
d'une échelle, d'un bout de journal roulé en forme de torche et d'un briquet
laissant échapper Une petite flamme joyeuse pour que la fête recommence.
Un long murmure. Le drapeau olympique est
descendu et promené autour de la piste.
Finis les clans ? Finies les classes ?
Finies les races? Finies les frontières ? La pelouse est envahie par les
spectateurs qui courent, sautent, dansent sur la cendrée. Les athlètes
échangent leurs chapeaux, leurs vestes, leurs drapeaux. Ils oublient hier et
ses longues heures d'entraînement. Ils oublient que, demain, d'autres plus jeunes
ou plus forts seront au rendez-vous de la flammé olympique.
La grande fête est finie. Dans le stade
inondé, un jardinier rebouche les trous creusés par les sabots du concours
hippique, la dernière épreuve des Jeux. Dans le village, on fait, le compte des
médailles, on s'apprête à refranchir un rideau d'argent, de fer ou de bambou.
On griffonne des adresses. On échange des mains, des baisers, des larmes. On
regarde une dernière fois les drapeaux grelottants de froid, les plumes
d'Indien sur la cendrée. On refait son sac jusqu'à la prochaine fois.
J'ai refait mon sac pour la centième
fois,..
J'ai pris l'avion pour Toronto. J'avais dit
avoir encore quelques clichés à faire. Et quelles images ! Les Jeux olympiques
pour handicapés. Les jeux sont .déjà commencés depuis deux jours. Leur
ouverture a coïncidé avec la clôture de ceux de Montréal. Je vais retrouver
sous les pluies de l'Ontario beaucoup de mes amis rencontrés aux Olympiades de
Suède.
Le petit Australien, celui-là qui venait du
fond du stade en pleurant de joie, aura-t-il eu assez d'argent pour se payer le
voyage? Me sentirai-je plus près d'eux que des vedettes toutes neuves de
Montréal?
En tant que reporter, on me loge à
l'Université, dans une chambre d'étudiant laissée vacante pendant les
Olympiades. Je me sens un peu triste après toutes ces lumières de carnaval mais
pressé de me plonger au cœur du mouvement, dans ces Jeux paralympiques.
Au stade d'Etobicoke, je fais valider mon accréditation.
Ici il n'y a pas de problèmes : je suis le seul reporter français! Ne bougez
plus! Photo en quatre exemplaires. Avec mes moustaches, je me trouve un air
sud-américain. J'expédie un télex au Turc qui ne s'est toujours pas manifesté.
Que s'est-il passé avec mes photos ? Je lui fais pourtant confiance avec ses
airs de grand garçon timide, toujours embêté quand on vient lui demander de
l'argent.
J'attaque très tôt le matin sur le stade,
entre deux averses. Je flâne du côté des sprinters assis sur des petits
fauteuils à grandes roues en alliage léger. Ils s'entraînent en piquant des
sprints puis virent au bout sur deux roues. Je fais plutôt vieille guimbarde,
ou « vieux stock-car d'Emmaüs » avec mon char voilé. Les roulements rouillés
émettent des bruits d'antique moulin à café. Comparé au leur, mon fauteuil a
l'air d'avoir fait plusieurs retraites de Russie. Le dossier est tordu et me
fait de plus en plus mal. Il me rentre dans le dos, laissant des traces
bleuâtres qui saignent parfois.
Il y a trois mille personnes dans les
gradins et pas loin de deux mille athlètes sur le terrain. Ils sont venus
d'Afrique, d'Asie, d'Europe, d'Amérique, d'Israël. Parmi les Français, je
reconnais quelques visages. Au centre de rééducation motrice de Fontainebleau,
nous faisions du basket ensemble. Je suis content de les voir là.
L'une des concurrentes des Jeux d'hiver
vient me saluer. Elle ne m'a pas reconnu tout de suite, avec mes moustaches
de... « Gitan », dit-elle.
Comme à Montréal, je vais d'un stade à
l'autre, je passe de l'escrime à la natation, de l'haltérophilie aux courses de
demi-fond. Mais je me sens plus à l'aise dans mes évolutions : les
installations ont été pensées, dessinées pour moi comme pour tous. Plus à
l'aise aussi dans mes cadrages : je n'ai pas besoin de travailler au
téléobjectif, Je 50 mm me suffit. Plus à l'aise enfin pour sourire, serrer une
main, engager une "discussion : ici, personne ne se prend pour une
vedette, et pourtant ! Pourtant, lorsque Brown souleva près de 600 livres au développé
couché, lès oreilles du géant soviétique Alexeief ont dû
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