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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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Beyrouth, a
été ravagé. Le long des berges de son yachting- club flottent des carcasses
calcinées de hors-bord, des coques fondues. Juste en face, le Holiday Inn est
percé d'éclats d'obus; toutes les fenêtres sont noircies, brûlées. Les prises
d'électricité ont disparu, les tuyauteries et les rampes d'escalier volées. De
ce building moderne et à l'américaine il ne reste plus qu'une masse de béton.
Tout le long  de la promenade des Anglais, la corniche Raouche, les palmiers
sont scalpés. En bordure de mer, un char couleur de sable se promène avec une
lenteur écrasante. Ici, chacun ouvre la bouche et s'étonne de l'ampleur du
massacre, et, pourtant, personne ne peut sortir un cri de cette bouche, ni
s'aventurer dans ce décor-décombre, dans ce mal blanc éclaté et qui cicatrise
mal.
    En remontant vers le centre, nous sommes arrêtés
par l'un de ces chars couleur de sable qui circulent et bloquent les artères,
les carrefours. On nous demande nos papiers, puis on nous fait ouvrir le
coffre. Regards soupçonneux des soldats... Un, cent, mille regards aveugles
dans les maisons alentour. Dans la terre une plaie immense. Du temps des
combats, il y avait des barrages à chaque instant l'on devait alors montrer sa
carte d'identité sur laquelle est inscrite sa religion. Barrages tantôt
palestiniens : alors les passagers, s'ils étaient chrétiens, étaient immédiatement
abattus; tantôt chrétiens, et la même tuerie recommençait.
    Au carrefour des Deux-Mondes, les voitures
s'arrêtent. Les marchandises de toutes sortes sont sorties, puis convoyées par
d'autres bras. La croix remplace la main de l'Islam. Sur le côté, les décombres
du bâtiment de la Sûreté. Attisé par les dossiers et les documents, lé feu l'a complètement
ravagé. Tout le long de la rue de Damas, des carcasses de voitures, des arbres
abattus. Un énorme champignon gît à nos pieds; c'est le toit d'une station-service
qui a sauté.
    Nous mettons le cap à l'est, par le
boulevard périphérique. Le camp palestinien de la Quarantaine déroule un magma
de terre, de pierres, de cadavres. Il est réduit à l'état de terrain vague, de
monceaux de terreur, de monticules de haines, de cendres sans espoir.
     
    Dimanche 19 décembre
    Tard dans la nuit, dans la forteresse
entourée de neige et de pins ébouriffés, dans le silence paisible, loin du
silence de mort de la ville, j'écoute Gilbert et mes propres pensées. Reléguant
dans la coulisse les savantes analyses et les soi-disant clairvoyants de la
politique, l'histoire, avec ses dessous peu-héroïques, apparaît.
    Peu à peu, cette guerre que beaucoup
croyaient sainte a pris des allures de défi, de sadisme. D'un camp à l'autre,
on ne se voit plus, on ne s'entend plus, on ne se parle plus. Les yeux, les
oreilles, la langue et le reste trempent dans des bocaux. Le vol, le pillage,
le viol, le meurtre sont devenus la loi. La trahison transpire de tout et de
tous.
    Mais l'abcès ne devait-il pas crever dans cette
partie du monde arabe ? disent certains.
    En 1974 le Liban était encore, avec son libéralisme,
sa légalité, sa grande tolérance, comme un havre de liberté. En ce pays
coexistaient les représentants de tous les partis, même les plus extrémistes;
les réfugiés politiques y trouvaient asile. De plus, le Liban restait une place
forte des finances internationales, notamment des pétrodollars. Au début de
1970, l'ensemble des Etats arabes avait signé un accord avec les autorités
libanaises sur le stationnement des réfugiés palestiniens au Liban. En
attendant une solution du problème palestinien, les réfugiés se devaient de
respecter la souveraineté t libanaise. Jusqu'en 1974, tout se passa
à peu près bien. L'Etat et les réfugiés résistèrent à toute provocation qui
amènerait à la rupture de cet accord.

La raison du « litige » est à la fois
historique et sociologique. D'une part, le Liban est, depuis son indépendance,
un état « confessionnel », c'est-à- dire que le nombre de sièges dans le gouvernement,
dans les institutions, etc. doit être proportionnel aux différentes confessions
religieuses. Il doit y avoir un équilibre entre les diverses religions. Or, cet
équilibre donne lieu à une permanente contestation : chaque confession s'estime
mal représentée. Par exemple, les musulmans, qui sont de plus en plus nombreux
par rapport aux chrétiens, réclament depuis des années un recensement qui
permette le rééquilibrage. Une autre

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