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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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médical.
    Ce que l'on me présente, c'est un local
avec des lits. Il n'existe aucun matériel de rééducation.
    « Mais alors, que faites-vous comme rééducation?     -
    — Ah! Eh bien, il y a un kinésithérapeute
qui passe une fois par semaine pour leur masser les jambes. »
    Autant dire masser des jambes de bois !
    « Et de combien de fauteuils roulants disposez-
vous?
    — Dans l'ensemble, tous les paraplégiques
ont leur fauteuil roulant. »
    On me présente les fauteuils. Ils sont dans
un assez mauvais état, ce qui n'est pas trop grave, mais surtout sans coussins.
Les blessés sont donc assis à même le siège, ce qui entretient et développe les
escarres. (Je demanderai à Gilbert de me mettre en contact avec un fabricant de
mousse pour me confectionner des coussins le plus rapidement possible.)
    Mon idée de soigner les chrétiens et les musulmans
se poursuit. J'ai rencontré le journaliste de France-Inter. Celui-ci m'a donné
sur le papier tous les contacts possibles avec le Croissant-Rouge palestinien
et la Croix-Rouge internationale.
     
    Mercredi 22 décembre
    Au studio d'enregistrement de France-Inter,
Jean Hoefliger, responsable de la Croix-Rouge internationale, et moi-même
préparons une émission sur la guerre du Liban. Son passage sur les ondes est
prévu pour le 31 décembre. Une équipe de journalistes est venue se joindre à
nous :1e responsable de France-Inter et le correspondant de l'A.F.P. Notre but
est de sensibiliser l'opinion publique à la tragédie jouée quotidiennement sur
cette terre. Avec Jean Hoefliger qui connaît l'ampleur des dégâts — son
organisation est intervenue des deux côtés, chrétien et musulman —, nous évaluons
les besoins en équipement et en matériel. Puis Jean Hoefliger raconte dans
quelles conditions insensées il a dû travailler pendant les combats. Il
enchaîne sur le désintérêt des grandes puissances pour ce pays — ce pays où
chaque heure qui passe est une question de survie ou de mort. L'émission est
enregistrée, puis la bobine' s'en va en France.
    Dans, cette bobine, nous avons mis en cause
la non-intervention de la France au niveau sanitaire (à part seize tonnes de
médicaments dont les industries pharmaceutiques ne savent que faire mais dont
elles se servent comme d'une publicité). Rien d'efficace au niveau des
spécialistes de la rééducation, des assistantes sociales, des gens pour prendre
en main non pas les blessés immédiats, mais ceux qui, blessés longtemps auparavant,
ont besoin d'une rééducation.
    Sur ce problème des blessés immédiats ou de
longue date, je m'explique : « Médecins sans frontières » a tout de suite
envoyé son équipe de chirurgiens et de médecins soigner sous les bombardements.
Mais, une fois ces premiers soins donnés, les blessés ont été envoyés chez eux
ou dans des centres où aucune rééducation n'est faite. Ainsi me suis-je
retrouvé, en arrivant ici, au chevet de centaines de blessés n'ayant reçu aucun
soin depuis leur évacuation du champ de bataille. Nous voulons sensibiliser,
par cette émission', la France et les autres pays de la Communauté.
    Quelques bougies, un arbre de Noël bien
plante au milieu de la grande salle de Beït Chebab, où les malades et le
personnel sont réunis. Tambourins, chansons françaises et arabes, buffet garni,
infirmières qui dansent, sœur Véronique au piano : une vraie petite fête de
patronage. Au loin, des rafales de mitraillettes. Tout le monde rit et danse,
applaudit en rafales plus fortes encore.
    Souvent un blessé s'approche de moi — il a
seize, dix-sept ans, vingt-cinq ans au plus — et me glisse quelques mots à
l'oreille. Des questions, toujours les mêmes, auxquelles je réponds tout au
long de la fête. Des paroles angoissées et blanches comme la nuit : « Est-ce
que ma vie est finie ? Qu'est-ce qui va se passer ? Est-ce que je vais marcher?
Est-ce que je pourrai faire l'amour? Est-ce qu'un jour, n'importe quand mais un
jour, je guérirai?»
     
     
     
    1. La bobine sera jugée « de très mauvaise
qualité, donc inexploitable »
     
     
    . Jeudi 23 décembre
    Quelqu'un a traversé la rue, s'est approché
de moi et m'a murmuré quelques mots — dans sa tête il voyait un soldat blessé.
    Il m'a glissé dans la main une livre
libanaise. Je l'ai regardé, confus, jusqu'à ce qu'il ait disparu dans une
boutique.
     
    Vendredi 24 décembre
    Soirée de Noël chez les Yared. Tout le
monde se prépare pour la messe de minuit qui aura

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