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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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attention.
    « Que puis-je faire pour vous aider ?
    — Un recensement des blessés apparaît indispensable
car je n'ai rencontré que quelques dizaines de grands traumatisés dans les
différents hôpitaux de la zone chrétienne. Beaucoup sont retournés dans leur
famille sans soins médicaux, sans espoir aucun de s'en sortir. Il faudrait
créer un système d'assistance à domicile par des infirmières et des médecins
qui effectueraient des tournées. Je ne pense pas, à moi tout seul, superviser
un aussi vaste territoire; les moyens matériels et le temps dont je dispose
sont insuffisants. Un an depuis le début des hostilités et personne encore ne
s'est réellement préoccupé du devenir de ces combattants. Des architectes
français viennent d'arriver à Beyrouth. Vont-ils se soucier de recréer une
ville humaine tenant compte de cette nouvelle différence? Vont-ils penser en
humain avant de vouloir faire de l'art pour l'art, de l'escalier à outrance,
des niveaux infranchissables, une architecture d'obstacles tellement à la mode
? »
    Mes questions s'enchaînent et les problèmes
du Liban rejoignent ceux du Viêt-Nam, de Caracas, de Paris, et sans le vouloir
j'abolis les frontières,, les races, les religions, pour chercher les solutions
à ce quart monde exclu de la vie en marche.
    Le président me répond qu'il étudiera profondément
ce problème avec son cabinet ministériel mais que, d'ores et déjà, des postes
sont prévus pour les handicapés dans l'administration.
    Notre entretien aura duré en tout trente minutes.
Quand nous nous séparons, cet homme grand et digne me tend la main. Je me sens
accablé par tous ces mots que j'ai dû prononcer et tous ceux que je n'ai pas
dits. J'ai l'impression de n'avoir pu que lui serrer la main. Nous nous
éloignons. Le président a l'air d'une forteresse perdue au milieu d'un pays en
ruine.
     
    Vendredi 31 décembre
    Je passe l'après-midi au soleil dans la montagne,
auprès des pistes, à regarder les skieurs qui descendent. Un instant, j'oublie
la guerre. Rentré au château, je dis à Leïla ma volonté d'aller soigner du côté
musulman. Leïla s'emporte et me traite de gauchiste. J'attends..
    Il est dix-neuf heures. J'attends que le
chauffeur qui remplace Robert m'emmène du côté ouest (côté musulman), à l'hôtel
du Coral Beach où se trouvent les correspondants de la Croix-Rouge
internationale et Jean Hoefliger avec qui j'ai rendez-vous.
    19 h 30 : j'apprends que le chauffeur, plus
prudent que Robert, refuse de m'y conduire. Leïla elle aussi, se dérobe : des
rumeurs alarmantes courent en ville. Personne pour m'accompagner. Je décide
alors de descendre jusqu'en bas de la route à la station de taxis, mais pas un
n'accepte de passer à l'ouest. De nouveaux accrochages seraient prévus pour
cette nuit, me disent-ils. Finalement, Leïla consent à m'emmener.
    Dans la voiture, elle me parle des
enlèvements, qui se produisent tous les jours. J'essaie de la rassurer en lui
disant qu'un journaliste de l'A.F.P. rencontré la veille m'a affirmé que tout
serait calme.
    Au premier barrage, le barrage syrien du
camp de la Quarantaine, des rafales de mitraillette éclatent autour de nous,
des balles traçantes transpercent la nuit. Un second barrage au port, puis nous
arrivons sur la place des Canons, déserte et plongée dans l'obscurité. Leïla
n'est pas tranquille. Au troisième barrage, on vérifie nos identités; Le coffre
est ouvert, la voiture fouillée, presque déshabillée. Nous sommes seuls dans le
centre au milieu des ruines. Au quatrième barrage, des balles sifflent au-dessus
de nous. Le soldat de faction à l'entrée de la Croix-Rouge essaye de nous Faire
peur. Heureusement je le connais... J'entre dans l'hôtel du Coral Beach; j'y
passerai cette nuit du 31. Leïla s'en retourne seule au château Boustany et
refuse de se faire escorter.
    Au cours de la soirée, les Suisses,
d'ordinaire peu bavards, me racontent l'attaque du camp de Tall el Zaatar : les
blessés achevés dans les ambulances; les trois mille morts qui gisent sous les
décombres; la répression, les médecins phalangistes transformés en
francs-tireurs, puis le massacre de Dhamour par les Palestiniens, massacre qui
s'est propagé en raison du pillage. J'en apprends tous les jours un peu plus
sur les atrocités. Il y a eu plus de morts du côté musulman que du côté
chrétien, cinq fois plus environ. Les combattants chrétiens, mieux organisés,
mieux équipés peut- être, ont

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