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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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d'autre
part « personne ne vous a vu en sortir ». Ce mystère est une charge nouvelle
qui pèse sur vous. »
    Il traverse la pièce, pose la main sur la
poignée de la porte et, comme s'il me perçait à jour, me dit :
    « Je peux vous faire établir un billet tout
de syite pour n'importe quel pays.
    - C'est inutile. J'ai déjà mon billet pour
Paris. Il m'a été délivré par le Quai d'Orsay.
    - Je ne veux pas le savoir. Ce n'est pas
mon problème. Vous pouvez choisir n'importe quelle destination. »
    (Où croit-il que je vais aller ? Me
prend-il pour un espion à la solde des Américains à cause de mon appartenance à
l'O.M.S. ? Des Chinois, à causerie mes voyages ?)
    Il se lève et me donne à nouveau comme consigne
de ne pas bouger de ma chambre et de bien fermer ma porte.
     
    Lundi 17 janvier
    Je me-suis levé de bonne heure car
j'attends l'arrivée de mon « complice ». Je dois en effet aller à Beyrouth, à
l'Hôtel-Dieu, pour donner un cours et voir aussi mon jeune paraplégique, Charles,
à qui j'ai promis de rendre visite. Pour cela, il me faut enfreindre les
conseils et les consignes que m'ont donnés le docteur Bulle et Jean Hoefliger
de ne pas sortir de l'hôtel. Il me faut aussi tromper la vigilence  de mes
gardiens et de mes espions.  -
    Mon complice, un jeune musulman, arrive au
volant d'une Volkswagen blanche surmontée d'une immense croix rouge. Il a
accepté de me faire passer du côté chrétien, à l'Hôtel-Dieu. Je suis heureux,
malgré le risque de perdre ma peau, de tenir ma promesse envers Charles et mes petites
élèves infirmières. Rien ne pourrait m'y faire renoncer.
    A la cafétéria, bourrée de monde, élèves et
médecins sont venus me saluer, comme chaque fois, avant le cours. Puis je fonce
vers Charles qui m'attend impatiemment dans sa chambre. Il me sourit. En
entrant, je remarque tout de suite que sur sa peau, d'ordinaire livide, des
taches roses, comme un nouveau printemps, ont fait leur apparition.
L'infirmière enlève les champs américains, découvrant ce qu'il reste de ses
hanches et de ses fesses. Trois escarres de vingt centimètres de diamètre, dans
lesquelles on peut plonger la main jusqu'au poignet, rougeoient de toute leur puanteur.
Avec la pince à clamper [7] on peut faire le tour des
trochanters. Le sacrum est entièrement a nu. Pourtant, depuis que Charles est
sur le ventre, un bourgeonnement s'est produit autour des plaies infectes. Les
antibiotiques, les massages à la glace, les variations de position et surtout
l'immense confiance qu'il a en nous ont fait de Charles un autre homme. Lui qui
se plaignait de tout est redevenu rieur, décidé à reprendre ses études. Il
envisage même de sortir de cette situation dans les plus brefs délais. Je n'ose
lui dire que ses plaies seront difficilement cicatrisables. Que les soins
risquent de lui manquer à nouveau. Dans quelques heures ou quelques jours, où
seront les soignants ? Par quelles ruses auront-ils été écartés de leur mission
?
    « Quand reviendras-tu ? » me demande
Charles.
    J'hésite; pourtant j'ai envie de lui dire
que je serai toujours là avec lui, avec tous ces enfants mutilés qui m'ont fait
confiance et pour lesquels je vais peut-être mourir. Je lui dis un mot, puis un
autre, des mots qui se contredisent et qui luttent en moi pour rester auprès de
lui. Charles me sourit à nouveau. J'emporte son sourire comme un cadeau; c'est
mon plus beau cadeau, ma richesse d'homme seul, mon patrimoine de mort-vivant.
    De retour à la Croix-Rouge, c'est
l'affolement général. Les garçons d'étage chargés de me surveiller ont constaté
ma disparition. La suspicion contre mes « coupables activités » en est renforcée.
Je monte à ma chambre. Après avoir quitté Charles, je ne peux plus entendre
leurs paroles dérisoires.
    Le docteur Nicole Grasset vient me voir.
Elle occupe le poste de coordinateur médical en chef. A l'opposé du docteur
Bulle, elle est calme, détendue.
    « Ne vous inquiétez pas trop, me dit-elle;
c'est le prix de notre engagement qu'il faut payer. Vous avez fait du très bon
travail ici. Maintenant, il vous faut rentrer. Nous vous protégerons. »
    Jean Hoefliger, bien pris dans un
impeccable costume trois-pièces, me rend visite dans la soirée.
    « J'ai ton billet, -me dit-il (c'est la
première fois qu'il me tutoie). Je te ferai escorter demain jusqu’a l'aéroport.
    - Jean, dis-moi, pourquoi veulent-ils me
tuer? Qui sont ces gens ?
    - Tu es accusé d'espionnage, comme

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