Vies des douze Césars
souverain maître de l’univers.
X. Il est salué empereur. Ses dangers
(1) Il monta donc sur son tribunal comme s’il allait procéder à un affranchissement ; ensuite, plaçant devant lui une grande quantité de portraits des citoyens que Néron avait fait périr, et ayant à ses côtés un noble jeune homme qu’on avait fait venir exprès de la plus voisine des îles Baléares où il était exilé, il déplora l’état où étaient les affaires, fut salué empereur, et déclara qu’il était le lieutenant du sénat et du peuple romain. (2) Puis il annonça que le cours de la justice était interrompu, et leva dans la province des légions et des troupes auxiliaires pour renforcer son armée qui n’était que d’une légion, de deux escadrons et de trois cohortes. Il choisit parmi les plus illustres du pays ceux que recommandaient leur âge et leur sagesse, et en fit une espèce de sénat auquel il pourrait rendre compte des affaires importantes, toutes les fois qu’il en serait besoin. (3) Il désigna, dans l’ordre des chevaliers, des jeunes gens qui, conservant toujours le droit de porter l’anneau d’or, devaient lui servir d’huissiers et de gardes du corps. (4) Il répandit des proclamations dans les provinces, engageant chacun à part et tous ensemble à réunir leurs efforts, autant que possible, pour concourir à la cause commune. (5) Vers le même temps, en fortifiant une ville dont il avait fait sa place d’armes, on trouva un anneau antique dont la pierre représentait une victoire avec un trophée. Bientôt un vaisseau d’Alexandrie, chargé d’armes, vint aborder à Dertosa, sans pilote, ni matelots, ni passagers. Personne ne doutait que la guerre entreprise ne fût juste, sainte et agréable aux dieux, quand tout à coup on fut sur le point de tout perdre. (6) Au moment où Galba approchait du camp, un escadron, se repentant d’avoir violé son serment, voulut l’abandonner, et ne fut retenu qu’avec peine dans le devoir. D’un autre côté, des esclaves dont un affranchi de Néron lui avait fait présent, et qui en voulaient à sa vie, allaient l’assassiner dans une rue étroite qu’il traversait pour se rendre au bain, s’il ne les eût entendus s’exhortant mutuellement à ne pas laisser échapper l’occasion. Il leur demanda de quelle occasion ils parlaient, et la torture leur arracha l’aveu de leur crime.
XI. Il se met en marche et se défait de ses ennemis
(1) A tant de dangers se joignit la mort de Vindex. Il en fut si consterné que, ne sachant quel parti prendre, il fut sur le point de renoncer à la vie. (2) Mais quand les messages de Rome lui apprirent que Néron était mort, et que partout on lui avait fait serment de fidélité, il quitta le titre de légat pour celui de César. Il se mit en marche avec le costume de chef militaire, un poignard suspendu au cou, et ne reprit la toge qu’après s’être défait de ceux qui suscitaient de nouveaux troubles : c’était à Rome, Nymphidius Sabinus, préfet du prétoire ; en Germanie, Fonteius Capito ; en Afrique, Clodius Macer, tous deux légats.
XII. Son avarice et sa cruauté
(1) Il arrivait précédé d’une réputation d’avarice et de cruauté, parce qu’en Espagne et dans les Gaules il avait frappé d’impôts considérables les villes qui avaient hésité à suivre son parti. Il en avait même puni quelques-unes en détruisant leurs murailles, et condamné au dernier supplice leurs chefs et les agents du fisc avec leurs femmes et leurs enfants. Il avait fait fondre une couronne d’or de quinze livres tirée d’un ancien temple de Jupiter, que la Tarragonaise lui avaient offerte, et exigé le paiement de trois onces qui manquaient au poids. (2) Cette réputation ne fit que se fortifier et s’accroître dès qu’il fut entré à Rome. (3) Il voulut rendre à leur premier état les rameurs que Néron avait transformés en soldats légionnaires ; et, comme ils refusaient et réclamaient obstinément leur aigle et leurs enseignes, non seulement il les dispersa avec sa cavalerie, mais il les décima. (4) Il licencia la cohorte germaine que les Césars avaient créée pour la sûreté de leur personne, et dont la fidélité était à l’épreuve ; il la renvoya dans sa patrie sans aucune récompense, sous prétexte qu’elle était trop dévouée à Cn. Dolabella dont les jardins touchaient au camp de cette garde étrangère. (5) On racontait de lui, pour s’en moquer, des traits
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