Vies des douze Césars
camarades ? Je suis à vous comme vous êtes à moi, » et qu’il leur promit une gratification. (2) Plusieurs prétendent qu’il leur tendit lui-même la gorge, en leur disant de frapper puisqu’ils le trouvaient bon. (3) Ce qu’il y a d’étonnant, c’est qu’aucun des assistants n’essaya de le secourir, et que de toutes les troupes qui furent mandées, nulle ne tint compte de son ordre, excepté un corps de cavalerie d’une légion de Germanie (4) qui vola à son aide en reconnaissance d’un bienfait récent. Galba avait fait prendre soin de ces cavaliers dans un moment où ils étaient souffrants et épuisés. Mais, ne connaissant pas les chemins, ils s’égarèrent et arrivèrent trop tard. (5) Galba fut égorgé près du lac Curtius. On le laissa sur place tel qu’il se trouvait. Enfin un soldat qui avait été chercher sa ration de grains, l’aperçut, jeta sa charge et lui coupa la tête. Ne pouvant la prendre par les cheveux, parce qu’elle était chauve, il la mit dans sa robe ; puis, lui passant le pouce dans la bouche, il la porta à Othon. (6) Celui-ci l’abandonna aux vivandiers et aux valets de l’armée, qui la plantèrent au bout d’une pique, et la promenèrent autour du camp avec de grandes risées, criant de temps en temps : « Eh bien, Galba, jouis donc de ta jeunesse. » Ce qui les poussait à cette brutale plaisanterie ; c’est qu’on avait répandu peu de jours auparavant, que, quelqu’un lui faisant compliment sur sa force et sa verdeur, il avait répondu : « Mon intrépidité n’a pas encor faibli. » (7) Un affranchi de Patrobius le Néronien acheta sa tête cent deniers d’or, et la jeta dans le même lieu où, par ordre de Galba, son maître avait été livré au supplice. (8) Ce fut beaucoup plus tard que son intendant Argivus put la réunir à son corps pour l’ensevelir dans ses jardins de la voie Aurélienne.
XXI. Son portrait
(1) Galba était de taille moyenne. Il avait la tête chauve, les yeux bleus, le nez aquilin, les pieds et les mains tellement contrefaits par la goutte, qu’il ne pouvait ni supporter une chaussure, ni déplier un billet, ni même le tenir. (2) Il portait au flanc droit une excroissance de chair si proéminente, qu’on pouvait à peine la contenir par un bandage.
XXII. Ses vices
(1) On dit qu’il était fort gourmand, et qu’en hiver il mangeait même avant le jour. Sa table était si abondante, que la desserte était portée de main en main autour de la salle et distribuée aux officiers de service. (2) Sa passion pour les hommes s’adressait exclusivement à l’âge mûr et à la vieillesse. On prétend que lorsqu’en Espagne Icelus, l’un de ses anciens mignons, vint lui annoncer la mort de Néron, non seulement il le serra dans ses bras devant tout le monde, mais il le pria de se faire épiler sur-le-champ et le conduisit à l’écart.
XXIII. Le sénat lui décrète une statue ; décret révoqué par Vespasien
Il périt dans la soixante-treizième année de son âge, le septième mois de son règne. Le sénat lui avait décerné, dès qu’il l’avait pu, une statue qui devait être élevée sur une colonne rostrale dans l’endroit du Forum où il fut égorgé. Mais Vespasien cassa le décret, croyant que Galba avait envoyé d’Espagne en Judée des assassins pour se défaire de lui.
VIII.
Vie de Othon
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Traduction française de M.Cabaret-Dupaty, Paris, 1893, avec quelques adaptations de J. Poucet, Louvain, 2001
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I. Les ancêtres d’Othon
(1) La famille d’Othon, originaire de Férentium, était ancienne et l’une des premières de l’Étrurie. (2) Son aïeul, M. Salvius Othon, fils d’un chevalier romain et d’une femme de condition obscure, ou peut-être servile, fut fait sénateur par le crédit de Livie chez laquelle il avait été élevé, et ne dépassa point la préture. (3) Son père, Lucius Othon, qui joignait à son illustration du côté maternel de grandes et nombreuses alliances, fut tellement chéri de Tibère, et lui ressemblait à un tel point, que l’on crut assez généralement qu’il en était le fils. (4) Il exerça avec beaucoup de sévérité les magistratures de la ville, le proconsulat d’Afrique et plusieurs commandements extraordinaires. (5) En Illyrie, il osa même punir de mort des soldats qui, après avoir trempé dans la révolte de Camille contre Claude, s’en
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