Vies des douze Césars
d’avarice vrais ou supposés. On disait qu’il avait soupiré en voyant sa table somptueusement servie ; qu’un jour son maître d’hôtel ordinaire lui ayant présenté ses comptes, il lui avait donné un plat de légumes pour récompenser son exactitude et son zèle ; enfin, qu’enchanté d’un joueur de flûte nommé Canus, il lui avait donné cinq deniers qu’il avait tirés lui-même de sa cassette particulière.
XIII. Il reçoit à Rome un mauvais accueil
Aussi ne reçut-il pas un accueil bien favorable des Romains. On s’en aperçut dès le premier spectacle où les Atellanes ayant entonné ce chant si connu : « Voilà Onésime qui revient du village », tous les spectateurs l’achevèrent à l’unisson, et répétèrent plusieurs fois ce vers avec beaucoup d’entrain.
XIV. Il se laisse entièrement gouverner par trois courtisans
(1) La faveur et la considération qui l’avaient porté à l’empire ne l’y suivirent pas. Ce n’est pas qu’en mainte circonstance, il ne se conduisit en bon prince ; mais on était disposé à sentir le mal plus que le bien. (2) Il était gouverné par trois hommes qui logeaient dans l’intérieur de son palais et ne le quittaient point. On les appelait ses pédagogues. (3) C’étaient T. Vinius, son légat en Espagne, homme d’une cupidité effrénée ; Cornelius Laco, qui de simple assesseur était devenu préfet du prétoire, et dont l’arrogance et la sottise étaient insupportables ; enfin l’affranchi Icelus, déjà décoré de l’anneau d’or et du surnom de Marcianus, et qui prétendait au suprême degré de l’ordre des chevaliers. (4) Ces trois hommes, dominés par des vices différents, gouvernaient si despotiquement le vieil empereur, qu’il ne s’appartenait plus, tantôt trop dur et trop avare pour un souverain élu, tantôt trop faible et trop insouciant pour un souverain de son âge. (5) Sur le plus léger soupçon, et sans les entendre, il condamna quelques citoyens marquants des deux ordres. (6) Il conféra rarement le droit de cité, et n’accorda qu’à une ou deux personnes le privilège des trois enfants, encore ne fut-ce que pour un temps limité. (7) Les juges le priaient de leur adjoindre une sixième décurie. Non seulement il s’y refusa, mais il leur enleva même la faveur que leur avait concédée Claude, de ne pouvoir être convoqués en hiver ni au commencement de l’année.
XV. Il révoque toutes les libéralités de Néron. Ses affranchis disposent de tout
(1) On croyait qu’il fixerait à deux ans la durée des emplois des sénateurs et des chevaliers, et qu’il ne les donnerait qu’à ceux qui ne les désireraient pas ou qui les refuseraient. (2) Il institua une commission de cinquante chevaliers pour révoquer et reprendre toutes les libéralités de Néron. On n’accordait pas plus du dixième aux donataires. Si des histrions ou des lutteurs avaient vendu tout ce qu’on leur avait donné autrefois, sans en pouvoir rendre la valeur, on reprenait l’objet aux acheteurs. (3) Au contraire les compagnons et les affranchis de Galba avaient le droit de tout vendre à prix d’argent ou de prodiguer par faveur, revenus publics, privilèges, punitions des innocents, impunité des coupables. (4) Il refusa au peuple romain de livrer au supplice Tigellin et Halotus, les plus pernicieux de tous les agents de Néron. Il donna même à Halotus un emploi considérable, et, dans un ordre du jour, il reprocha au peuple sa cruauté envers Tigellin.
XVI. Il s’aliène tous les esprits. L’armée de la Haute-Germanie donne le signal de la révolte
(1) Cette conduite blessa presque tous les ordres de l’empire, et le rendit odieux surtout aux soldats. (2) Avant son arrivée, les chefs, en jurant de lui obéir, avaient promis une gratification plus forte qu’à l’ordinaire. Galba ne ratifia point cette promesse, et dit tout haut plusieurs fois qu’il avait coutume de lever les soldats et non de les acheter. Ce propos aigrit toutes les troupes, en quelque lieu qu’elles fussent cantonnées. (3) L’indignation et la crainte aliénèrent également les prétoriens, qui furent pour la plupart éloignés comme suspects et comme amis de Nymphidius. (4) Les légions de la Haute-Germanie étaient celles qui murmuraient le plus : elles se voyaient privées des récompenses qu’elles attendaient de leurs services contre les Gaulois et contre Vindex. (5) Elles osèrent donc les premières rompre tout
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