Vies des douze Césars
étaient repentis, et avaient égorgé leurs chefs comme auteurs de la défection. Othon les fit exécuter devant son pavillon et en sa présence, quoiqu’il sût que, pour ce même fait, Claude les avait promus à des grades supérieurs. (6) Si cet acte de fermeté accrut sa réputation, il diminua son crédit. Mais il le recouvra bientôt en apprenant à Claude qu’un chevalier romain voulait l’assassiner, et que ses esclaves l’avaient dénoncé à Othon. (7) Le sénat lui décerna une distinction très rare en ordonnant que sa statue fût dressée sur le mont Palatin. Claude le reçut au nombre des patriciens, et fit de lui le plus magnifique éloge. Il ajouta même : « Tel est le mérite de cet homme, que je ne voudrais pas que mes enfants fussent meilleurs. » (8) L. Othon eut de son épouse Albia Terentia, femme de noble maison, deux fils, Lucius Titianus et Marcus, qui porta le même surnom que son aîné. Il eut aussi une fille qu’il promit en mariage à Drusus, fils de Germamicus, avant qu’elle fût nubile.
II. Sa naissance. Sa jeunesse déréglée
(1) L’empereur Othon naquit le vingt-huit avril sous le consulat de Camillus Arruntius et de Domitius Ahenobarbus. (2) Il fut, dès son adolescence, si dissipateur et si déréglé, que, pour le corriger, son père eut souvent recours au fouet. On dit qu’il courait pendant les nuits, se jetant sur les gens faibles ou pris de vin, et les faisant sauter en l’air sur une casaque. (3) Après la mort de son père, il voulut gagner les bonnes grâces d’une affranchie qui avait du crédit à la cour ; et, pour y parvenir plus sûrement, il feignit de l’aimer quoiqu’elle fût vieille et presque décrépite. Elle le fit connaître à Néron, qui l’admit bientôt au rang de ses meilleurs amis, à cause de la conformité de leurs mœurs, et, suivant quelques historiens, à cause de leur prostitution mutuelle. (4) Il devint si puissant, qu’un jour s’étant fait promettre une somme considérable par un consulaire qui avait été condamné par concussion, il ne craignit pas de l’introduire au sénat, afin qu’il fît ses remerciements, quoiqu’il n’eût pas entièrement obtenu que la sentence fût rapportée.
III. Ses basses complaisances pour Néron. Il tombe dans la disgrâce de cet empereur
(1) Confident de tous les desseins et de tous les secrets de Néron, le jour même que cet empereur avait choisi pour assassiner sa mère, il leur servit à tous deux un souper très délicat pour écarter tout soupçon. Il contracta un mariage simulé avec Poppaea Sabina, maîtresse de Néron, qui l’avait enlevée à son mari, et la lui avait provisoirement confiée. Othon ne se contenta pas de la séduire, il l’aima au point de ne pas même souffrir Néron pour rival. (2) On croit du moins que, non seulement il ne reçut pas ceux que ce prince envoyait pour la reprendre, mais qu’un jour il laissa devant sa porte l’empereur lui-même, joignant en vain les menaces aux prières, et réclamant son dépôt. (3) Aussi le divorce fut-il prononcé, et Othon relégué comme gouverneur en Lusitanie. (4) Néron n’alla pas plus loin, de peur qu’un châtiment rigoureux ne révélât toute cette comédie. Toutefois le quatrain suivant la fit assez connaître :
Si vous me demandez pour quel secret mystère
Dans la Lusitanie Othon nommé questeur
Cache un exil réel sous un titre imposteur
C’est que de son épouse il était l’adultère.
(5) Pendant dix ans, il administra sa province en qualité de questeur, avec une modération et un désintéressement remarquables.
IV. Il prend part à la révolte de Galba, dans l’espoir de devenir lui-même empereur
(1) Lorsque enfin se présenta l’occasion de la vengeance, Othon s’associa le premier aux efforts de Galba, et dès ce moment, il conçut l’espoir de régner, d’abord à cause de l’état présent des affaires, et surtout à cause des assurances de l’astrologue Seleucus. (2) Cet homme, qui lui avait prédit qu’il survivrait à Néron, vint alors le trouver à l’improviste, et lui promit qu’il parviendrait bientôt à l’empire. (3) Aussi n’épargna-t-il aucun genre de séductions ni de caresses envers chacun. Toutes les fois qu’il recevait le prince à souper, il distribuait un denier d’or par tête à la cohorte de garde, et il employait d’ailleurs mille moyens pour gagner l’affection des soldats. Quelqu’un l’ayant choisi pour arbitre
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