Vies des douze Césars
Brutus et de Cassius. Il ajoutait qu’il n’aurait point marché contre Galba, s’il n’eut été convaincu que tout se passerait sans qu’on livrât bataille ; que ce qui lui avait donné le plus de dégoût de la vie, c’était l’exemple d’un simple soldat qui était venu annoncer la défaite de l’armée, et qui, loin d’inspirer la moindre confiance, se voyant soupçonné tour à tour de mensonge et de lâcheté, comme s’il s’était enfui du combat, s’était percé de son glaive aux pieds de l’empereur ; (3) qu’à cet aspect, Othon s’était écrié que désormais il n’exposerait plus la vie de gens si braves et qui lui avaient rendu tant de services, (4) Il exhorta donc son frère, le fils de son frère et chacun de ses amis à prendre le parti qui leur semblerait le plus convenable, les serra contre son cœur, les embrassa et les renvoya tous. Puis, se retirant à l’écart, il écrivit deux lettres, l’une à sa sœur pour la consoler, l’autre à Messaline, la veuve de Néron, qu’il avait voulu épouser. Il lui recommanda le soin de ses funérailles et de sa mémoire. (5) Ensuite il brûla tout ce qu’il avait de lettres, afin qu’elles ne missent personne en péril ou en discrédit auprès du vainqueur, et distribua à ses domestiques l’argent comptant qu’il avait à sa disposition.
XI. Il se tue
(1) Il était tout entier aux préparatifs de sa mort, lorsqu’il entendit quelque tumulte, et s’aperçut qu’on arrêtait comme déserteurs ceux qui commençaient à s’éloigner du camp. « Ajoutons encore, dit-il, cette nuit à ma vie. » Ce furent ses propres paroles. Il défendit qu’on fit aucune violence à personne. Son appartement resta ouvert jusqu’au soir, et il reçut tous ceux qui voulurent le visiter. (3) Ensuite il but de l’eau fraîche pour étancher sa soif, saisit deux poignards dont il essaya la pointe, en mit un sous son chevet, et dormit d’un profond sommeil, les portes ouvertes. (3) Il s’éveilla au point du jour, et se perça d’un seul coup au-dessous du téton gauche. On accourut à son premier cri. Il expira cachant tour à tour et découvrant sa plaie. Ses funérailles eurent lieu sur-le-champ, comme il l’avait ordonné. il était dans la trente-huitième année de son âge, et dans le quatre vingt-quinzième jour de son règne.
XII. Son portrait. Ses habitudes. Ses soldats lui donnent, à sa mort, de grands témoignages d’attachement et de fidélité
(1) L’extérieur d’Othon ne répondait point à tant de courage. (2) Car il avait, dit-on, la taille courte, les jambes torses et les pieds contrefaits. Il était aussi recherché qu’une femme dans sa toilette. Il s’arrachait le poil, et, comme il avait peu de cheveux, il portait une coiffure artificielle si bien faite, que personne ne s’en apercevait. Il se rasait tous les jours, et se frottait le visage avec du pain détrempé, habitude qu’il avait contractée à la fleur de son âge, afin de ne point avoir de barbe. Souvent on le vit en habit de lin, comme les prêtres, célébrer publiquement les fêtes d’Isis. (3) Tout cela concourut peut-être à rendre sa mort d’autant plus surprenante, qu’elle ne ressemblait en rien à sa vie. (4) Beaucoup de soldats présents lui baisèrent les pieds et les mains en versant un torrent de larmes, l’appelant à haute voix le plus brave des hommes, l’empereur unique, et se tuèrent à quelques pas de son bûcher. Un grand nombre de ceux qui étaient absents, saisis de douleur en apprenant cette nouvelle, se précipitèrent les uns sur les autres pour s’entr’égorger avec leurs armes. (5) Enfin une foule de gens qui, pendant sa vie, lui avaient voué une haine implacable, le comblèrent d’éloges après sa mort. Le bruit se répandit même que, s’il avait fait périr Galba, c’était, moins pour régner que pour rétablir la république et la liberté.
IX.
Vie de Vitellius
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Traduction française de M.Cabaret-Dupaty, Paris, 1893, avec quelques adaptations de J. Poucet, Louvain, 2001
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I. Diversité des opinions sur l’origine des Vitellii
(1) Les historiens sont dans un complet désaccord sur l’origine des Vitellius. Selon les uns, elle est noble et ancienne ; selon les autres, elle est récente, obscure, et même abjecte. Peut-être aurais-je attribué à l’adulation ou à l’envie cette diversité d’opinions,
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