Vies des douze Césars
chasser du palais. Il recourut à toutes sortes d’expiations pour essayer d’apaiser ses mânes. Le lendemain, tandis qu’il prenait les auspices, une tempête violente s’éleva. Othon fit une chute grave et murmura de temps en temps ces mots : « Qu’avais-je tant besoin d’user de longues flûtes ?"
VIII. Il cherche à traiter avec Vitellius, proclamé empereur à son tour par les armées. Il entre en campagne sous de sinistres auspices
(1) Vers le même temps, l’armée de Germanie prêta serment à Vitellius. (2) À cette nouvelle, Othon conseilla au sénat de députer vers ce général pour lui apprendre qu’on avait déjà élu un empereur, et pour l’engager au repos et à la concorde. De son côté, par ses affidés et par ses lettres, il offrit à Vitellius de l’associer à l’empire, et de devenir son gendre. (3) Mais la guerre n’était plus douteuse. Déjà s’approchaient les chefs que Vitellius avait envoyés en avant, lorsque Othon reçut de la part des prétoriens une preuve de leur zèle et de leur attachement qui faillit causer le massacre du premier ordre de l’empire. (4) Il avait ordonné aux marins de transporter les armes sur les vaisseaux. Comme ce transport eut lieu dans le camp à l’entrée de la nuit, quelques gens crurent à une trahison et excitèrent du désordre. Tout à coup les soldats, sans chef déterminé, courent au palais, demandent avec instance la mort des sénateurs, repoussent les tribuns qui veulent les contenir, en tuent quelques-uns, et, couverts de sang, réclamant à grands cris l’empereur, ils font irruption dans sa salle à manger, et ne s’apaisent qu’après l’avoir vu. (5) Othon se prépara à la guerre avec vigueur, et même avec précipitation, non seulement sans aucun scrupule religieux, mais encore sans remettre les anciles qu’on avait déplacés ; oubli qui de tout temps était regardé comme de mauvais augure. Le même jour, les prêtres de la mère des dieux commençaient leurs chants plaintifs et lugubres. Il brava les plus funestes auspices. (6) Une victime offerte à Pluton présenta des signes favorables, tandis que, dans ce genre de sacrifice, il en faut de contraires. Le débordement du Tibre retarda sa marche, dès le premier jour, et, au vingtième milliaire, il trouva la route encombrée par les débris de quelques édifices.
IX. Il remporte quelques avantages, et est enfin vaincu
(1) Quoique personne ne doutât qu’il valait mieux temporiser avec un ennemi pressé par la faim et engagé dans des défilés, Othon ne mit pas moins de témérité à précipiter le moment du combat, soit qu’il ne pût supporter une plus longue incertitude, et qu’il espérât vaincre plus aisément avant l’arrivée de Vitellius, soit qu’il ne pût résister à l’ardeur de ses troupes qui demandaient le combat. (2) Il n’assista en personne à aucune action et demeura à Brixellum (3) pendant qu’on remportait trois avantages assez médiocres, l’un au pied des Alpes. l’autre aux environs de Plaisance, et le troisième dans le lieu appelé « vers le temple de Castor ». Mais à Bédriac, où fut livrée la dernière et la plus importante des batailles, il fut vaincu par ruse. On lui avait proposé une entrevue, et l’on avait fait sortir les troupes, comme pour assister aux négociations. Tout à coup, et dès le premier salut, elles furent forcées de se défendre. (4) Dès ce moment, Othon résolut de mourir, par un sentiment d’honneur, comme beaucoup de personnes l’ont pensé, et avec raison, pour ne point paraître s’obstiner à garder la couronne en exposant à un si grand danger les légions et l’empire, plutôt que par désespoir, ou comme s’il se fût méfié du dévouement de son armée. Car il avait encore toutes les troupes dont il s’était entouré lorsqu’il comptait sur des succès, et il lui en arrivait de Dalmatie, de Pannonie et de Mésie. Enfin les vaincus eux-mêmes étaient si peu abattus, que, pour venger leur honte, il eussent volontiers affronté tous les périls, sans autre appui qu’eux-mêmes.
X. Son horreur pour la guerre civile ; il se prépare à la mort
(1) Mon père, Suetonius Laetus, servait alors dans la treizième légion en qualité de tribun angusticlave. (2) Il racontait souvent qu’Othon, n’étant que simple particulier, avait une telle aversion pour la guerre civile, qu’un jour, à table, on le vit frémir parce qu’on avait rappelé la fin de
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