Vies des douze Césars
ses troupes de Syrie ; le second lui promit quarante mille archers.
VII. Il commence la guerre civile, et guérit un aveugle et un boiteux
(1) Vespasien commença donc la guerre civile. Il envoya ses généraux et ses troupes en Italie, et se rendit à Alexandrie pour s’emparer des portes de l’Égypte. (2) Là, ayant éloigné sa suite, il entra seul dans le temple de Sérapis pour le consulter sur la durée de son règne. Après s’être pleinement assuré la faveur du dieu, il se retourna. Alors il crut voir l’affranchi Basilidès qui lui offrait de la verveine, des couronnes et des gâteaux, suivant l’usage établi dans ce lieu. Cependant personne n’avait introduit ce Basilidès, que la goutte empêchait depuis longtemps de marcher, et que tout le monde savait être fort éloigné de là. (3) Aussitôt arriva une lettre qui annonçait que les troupes de Vitellius avaient été défaites à Crémone, et qu’il avait été tué à Rome. (4) Vespasien, prince nouveau et en quelque sorte improvisé, manquait encore de ce majestueux prestige qui appartient au souverain pouvoir : il ne se fit pas attendre. (5) Deux hommes du peuple, l’un aveugle et l’autre boiteux, se présentèrent devant son tribunal, le priant de les guérir, sur l’assurance que Sérapis leur avait donnée pendant leur sommeil, que l’un recouvrerait la vue, si l’empereur voulait imprégner ses yeux de salive, et que l’autre se tiendrait ferme sur ses jambes, s’il daignait le toucher du pied. (6) Vespasien, n’augurant aucun succès d’une telle cure, n’osait pas même l’essayer. Ses amis l’encouragèrent. Il fit donc l’une et l’autre expérience devant le peuple assemblé, et réussit. (7) Vers le même temps, sur l’indication des devins, on déterra à Tégée, en Arcadie, des vases antiques qui étaient enfouis dans un lieu consacré, et l’on y reconnut la vivante image de Vespasien.
VIII. Son retour à Rome. Ses consulats. Son gouvernement
(1) Tel était Vespasien quand il revint à Rome, précédé d’une immense renommée. Après avoir triomphé des Juifs, il ajouta huit consulats à l’ancien. Il se chargea aussi de la censure. Pendant le cours de son règne, il mit tous ses soins à raffermir d’abord l’État ébranlé et penchant vers sa ruine, et ensuite à en rehausser l’éclat. (2) Les soldats étaient parvenus au comble de la licence et de l’audace, les uns par trop de confiance en leur victoire, les autres par la douleur qu’ils ressentaient de leur ignominie. Le plus grand désordre régnait dans les provinces, dans les villes libres, et même dans quelques royaumes. (3) Vespasien licencia une grande partie des troupes de Vitellius et contint l’autre. Loin d’accorder une grâce extraordinaire à ceux qui avaient pris part à sa victoire, il leur fit attendre fort tard les récompenses qui leur étaient dues. (4) Il ne laissait échapper aucune occasion de réformer les mœurs. Un jeune homme se présenta devant lui, tout parfumé d’essences, pour le remercier d’une préfecture qu’il avait obtenue. Non content de lui témoigner son dégoût, il lui dit d’un ton sévère : « J’aimerais mieux que vous sentissiez l’ail. » Et il révoqua sa nomination. (5) Les matelots qui vont tour à tour à pied d’Ostie et de Pouzzoles à Rome, lui demandèrent une indemnité pour leurs chaussures. Il les renvoya sans réponse ; il fit plus, il leur ordonna d’aller désormais pieds nus, et depuis ce temps ils vont ainsi. (6) Il priva de la liberté l’Achaïe, la Lycie, Rhodes, Byzance, Samos, et les réduisit en provinces romaines, ainsi que la Thrace, la Cilicie et la Commagène, jusqu’alors gouvernées par des rois. (7) Il mit des légions en Cappadoce, à cause des continuelles incursions des Barbares, et y établit un gouverneur consulaire, au lieu d’un chevalier romain. (8) Rome était défigurée par les incendies et par les ruines. Il permit à chacun d’occuper les terrains vacants, et d’y bâtir, si les propriétaires négligeaient de le faire. (9) Lui-même entreprit la restauration du Capitole, et, pour déblayer les décombres, il mit le premier la main à l’œuvre, en portant des matériaux sur ses épaules. Il fit refaire trois mille tables d’airain, détruites dans les flammes. On en rechercha de tous côtés des copies. C’est la plus ancienne et la plus belle collection officielle de l’empire. Elle renferme, presque depuis
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