Vies des douze Césars
même réponse. Son ressentiment n’alla pas plus loin. (3) Incapable de sacrifier personne à ses craintes ou à ses soupçons, il fit consul Mettius Pomposianus, quoique ses amis l’avertissent de se méfier d’un homme qui passait pour être né sous une étoile qui présageait l’empire : « Eh bien, dit-il, il se souviendra un jour de mon bienfait."
XV. Sa clémence
(1) Il serait difficile de trouver un homme innocent puni sous son règne, si ce n’est en son absence et à son insu, ou du moins contre son gré et par erreur. (2) Helvidius Priscus était le seul qui ne l’eût salué que de son nom de Vespasien, à son retour de Syrie ; dans les actes de sa préture, il avait aussi négligé de lui rendre hommage et de prononcer son nom. Vespasien ne se fâcha que lorsque Helvidius, dans les plus insolentes invectives, l’eût presque abaissé au dernier rang des citoyens [ ?? ?]. (3) Il l’exila d’abord, et ordonna même ensuite qu’on le mît à mort. Mais, voulant le sauver à tout prix, il envoya un contre-ordre, et il lui aurait sauvé la vie, si on ne lui eût pas dit faussement qu’il n’était plus temps. Au reste, loin de se réjouir jamais de la mort de personne, il pleurait et gémissait quand il prononçait les plus justes supplices.
XVI. Son amour pour l’argent
(1) Le seul reproche qu’on lui fasse avec raison, c’est d’avoir aimé l’argent. (2) En effet, non content d’avoir rétabli les impôts abolis sous Galba, d’en avoir ajouté de nouveaux et de plus lourds, d’avoir augmenté et quelquefois doublé les tributs des provinces, il fit des négoces honteux même pour un particulier, achetant des marchandises pour en tirer profit plus tard. (3) Il ne se faisait point scrupule de vendre les magistratures aux candidats, ni les absolutions aux accusés, tant innocents que coupables. (4) On croit même qu’il affectait d’élever aux plus grands emplois ses agents les plus rapaces, afin de les condamner lorsqu’ils se seraient enrichis. Il s’en servait, disait-on, comme d’éponges que l’on trempe quand elles sont sèches, et que l’on presse quand elles sont humides. (5) Cette cupidité, selon quelques-uns, était dans son caractère, et lui fut reprochée par un vieux bouvier qui, ne pouvant en obtenir la liberté gratuite, lorsqu’il fut parvenu à l’empire, s’écria que le renard changeait de poil, mais non de mœurs. (6) Selon d’autres, c’était un effet de la nécessité. Le trésor et le fisc étaient si pauvres, que Vespasien fut obligé de recourir au pillage et à la rapine ; et c’est ce qui lui fit déclarer à son avènement au trône, que l’État avait besoin de quatre milliards de sesterces pour subsister. (7) Cette dernière opinion paraît d’autant plus vraisemblable, que Vespasien faisait un excellent emploi de ce qu’il avait mal acquis.
XVII. Ses libéralités
Ses libéralités s’étendaient sur tout le monde. Il compléta la fortune des sénateurs, établit un revenu annuel de cinq cent mille sesterces pour les consulaires pauvres, et dans tout l’empire fit reconstruire avec des embellissements un grand nombre de villes incendiées ou renversées par des tremblements. de terre.
XVIII. Il se fait le protecteur des arts et de tous les talents
Il protégea surtout les talents et les arts. Il fut le premier qui constitua sur le fisc, aux rhéteurs grecs et latins, une pension annuelle de cent mille sesterces. Il accorda de riches présents et de hautes récompenses aux poètes et aux artistes remarquables, par exemple à celui qui fit la Vénus de Cos, et à celui qui répara le Colosse. Un mécanicien promettait de transporter à peu de frais au Capitole des colonnes immenses. Il lui offrit une forte somme pour son devis ; mais il ne le mit pas à exécution : « Permettez-moi, lui dit-il, de nourrir le pauvre peuple."
XIX. Ses récompenses aux artistes. Sa cupidité inspire un bon mot à un pantomime
(1) Il fit jouer aussi d’anciennes pièces aux jeux qui furent célébrés pour la dédicace du théâtre de Marcellus nouvellement restauré. (2) Il donna à l’auteur tragique Appellaris quatre cent mille sesterces ; à Terpnus et à Diodore, joueurs de luth, deux cent mille ; à quelques autres cent mille ; à d’autres, pour le moins quarante mille, sans compter une multitude de couronnes d’or. (3) Il ordonnait souvent de riches festins pour faire gagner les marchands de denrées. Il
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