Vies des douze Césars
distribuait des étrennes aux hommes pendant les Saturnales, et aux femmes le jour des calendes de mars. (4) Ces prodigalités ne purent néanmoins effacer son ancienne réputation d’avarice. (5) Les habitants d’Alexandrie continuèrent de l’appeler Cybiosacte, du nom d’un de leurs rois qui avait été d’une lésine sordide. (6) À ses funérailles, le premier pantomime nommé Favor, qui représentait l’empereur et contrefaisait, selon la coutume, ses paroles et ses gestes, demanda publiquement aux gens d’affaires combien coûtaient le convoi et les obsèques. Comme ils répondirent : « Dix millions de sesterces », il s’écria : « Donnez-m’en cent mille, et jetez-moi ensuite dans le Tibre."
XX. Son portrait. Son caractère
(1) Vespasien avait la taille carrée, les membres fermes et vigoureux, les traits tendus. Aussi un bouffon qu’il pressait de dire un bon mot sur son compte, lui répondit-il assez plaisamment : Je le ferai dès que tu auras soulagé ton ventre. (2) Il jouissait d’une parfaite santé, quoique pour l’entretenir, il se contentât de se frotter un certain nombre de fois depuis la tête jusqu’aux pieds dans un jeu de paume, et de faire diète un jour par mois.
XXI. Sa manière de vivre
(1) Voici à peu près quelle était sa manière de vivre. (2) Quand il fut sur le trône, il se levait de bonne heure et même avant le jour. Il lisait d’abord ses lettres et les rapports des officiers du palais ; ensuite il recevait ses amis, et, pendant qu’ils lui rendaient leurs devoirs, il se chaussait et s’habillait. Après avoir expédié les affaires présentes, il se promenait en litière ; puis il se livrait au repos, ayant à côté de lui une des nombreuses concubines que, depuis la mort de Cénis, il avait choisies pour la remplacer. Il passait de son cabinet au bain, et de là dans la salle à manger. (3) C’était, dit-on, le moment où il était de l’humeur la plus douce et la plus facile : aussi était-ce celui que les employés de sa maison saisissaient avec empressement pour lui adresser leurs demandes.
XXII. Ses plaisanteries
(1) Vespasien était d’une grande familiarité dans ses entretiens, et surtout à table, où il traitait souvent les affaires en plaisantant ; car il était fort caustique, et s’abandonnait parfois à une bouffonnerie si leste, qu’il ne reculait pas même devant les expressions obscènes. (2) On a conservé de lui néanmoins d’excellentes saillies, entre autres celle-ci. (3) Mestrius Florus, personnage consulaire, l’avait averti qu’il ne fallait pas prononcer « plostra » mais « plaustra ». Le lendemain, Vespasien le salua du nom de « Flaurus ». (4) Ayant cédé aux avances d’une femme qui avait feint de l’aimer éperdument, il se la fit amener, lui donna quatre cent mille sesterces, et, lorsque son intendant lui demanda comment il fallait inscrire cette somme dans ses comptes, « Écrivez, dit-il, « pour l’amour inspiré par Vespasien ».
XXIII. Ses citations. Ses bons mots
(1) Il citait les vers grecs avec assez de bonheur. Il dit de quelqu’un qui avait une haute taille et un méchant caractère : « Il marche en brandissant un javelot immense ». Un riche affranchi, nommé Cerylus, pour frauder les droits du fisc, se faisait passer pour homme de condition libre, et commençait à se faire appeler Lachès. Vespasien s’écria : « Lachès ! Lachès ! quand tu seras mort, tu redeviendras Cérylus. » (2) C’est surtout dans ses gains honteux qu’il exerçait son esprit mordant pour en couvrir l’odieux par un bon mot et réduire tout à la plaisanterie. (3) Un de ses plus chers favoris lui demandait une place d’intendant pour quelqu’un qu’il disait être son frère. Vespasien différa sa réponse, fit venir le candidat lui-même, en reçut la somme qu’il avait promise à son protecteur, et l’installa sur-le-champ. Lorsque son favori vint lui en reparler : « Cherche, lui répondit-il, un autre frère. celui que tu croyais le tien est devenu le mien. » (4) Étant en route, il se douta qu’un muletier n’était descendu, pour ferrer ses mules, qu’afin de donner le temps à un plaideur de lui parler de son affaire. Il lui demanda combien il avait exigé pour son ouvrage, et s’en fit payer la moitié. (5) Son fils Titus lui reprochait d’avoir mis un impôt sur les urines. Il lui mit sous le nez le premier argent qu’il perçut de cet impôt, et
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