Vies des douze Césars
Claude, il fut, par le crédit de Narcisse, envoyé en Germanie comme légat de légion. De là il passa en Bretagne où il combattit trente fois les ennemis. (2) Il soumit deux peuples très belliqueux, plus de vingt places, et l’île de Vectis, voisine de la Bretagne, tantôt sous le commandement d’Aulus Plautius, lieutenant consulaire, tantôt sous celui de Claude lui-même. (3) Aussi reçut-il les ornements du triomphe et peu de temps après, un double sacerdoce. Il fut même créé consul pendant les deux derniers mois de l’année. (4) Depuis ce temps jusqu’à ce qu’il fût proconsul, il vécut dans le repos et la retraite, redoutant Agrippine qui avait encore du crédit auprès de son fils, et qui, même après la mort de Narcisse, haïssait les partisans de ce favori. (5) L’Afrique lui étant échue par le sort, il la gouverna avec une parfaite intégrité, et y obtint une haute considération ; ce qui n’empêcha pas que, dans une sédition à Hadrumète, on ne lui lançât des navets. (6) Il revint pauvre à Rome. Son crédit même était si épuisé, qu’il engagea tous ses domaines à son frère, et fut obligé, pour soutenir son rang, de s’abaisser au métier de maquignon ; aussi l’appelait-on communément « le Muletier ». (7) Il fut aussi, dit-on, convaincu d’avoir extorqué deux cent mille sesterces à un jeune homme pour lequel il avait obtenu le laticlave contre la volonté de son père, et essuya de graves reproches pour ce fait. (8) En accompagnant Néron dans son voyage en Grèce, il encourut une complète disgrâce pour être sorti souvent ou s’être endormi pendant que ce prince chantait. Il fut non seulement éloigné de sa suite, il lui fut même interdit de venir lui rendre ses devoirs en public. Vespasien se retira dans une petite ville écartée. Ce fut dans cette retraite, au moment où il craignait pour sa vie, qu’on vint lui offrir un commandement et une armée. (9) De temps immémorial il régnait dans tout l’Orient une vieille tradition : les Destins avaient prédit que ceux qui viendraient de la Judée, à cette époque, seraient les maîtres du monde. (10) Cet oracle, qui concernait un empereur romain, comme l’événement le prouva dans la suite, les Juifs se l’appliquèrent à eux-mêmes. Ils se révoltèrent, mirent à mort leur gouverneur, chassèrent le légat consulaire de Syrie qui venait à son secours, et lui enlevèrent son aigle. (11) Pour apaiser ce soulèvement, il fallait une armée considérable et un chef intrépide qui, pût garantir le succès d’une expédition aussi importante. Vespasien fut choisi de préférence à tout autre, comme joignant à un talent éprouvé une naissance obscure et un nom dont on n’avait rien à redouter. (12) Il renforça ses troupes de deux légions, de huit escadrons et de dix cohortes, prit son fils aîné au nombre de ses lieutenants, et, dès son arrivée, s’attira l’affection des provinces voisines, en rétablissant la discipline militaire. Il déploya tant d’énergie dans un ou deux combats, qu’au siège d’un fort, il fut blessé au genou d’un coup de pierre, et reçut plusieurs traits sur son bouclier.
V. Plusieurs prodiges lui promettent l’empire. Il en reçoit l’assurance de l’historien Josèphe
(1) Après Néron et Galba, lorsque Othon et Vitellius se disputèrent l’empire, il conçut l’espoir de régner, espoir depuis longtemps fondé sur des prodiges. (2) Dans un domaine que les Flavii possédaient près de nome, il y avait un vieux chêne consacré à Mars, qui, après trois accouchements de Vespasia, avait chaque fois poussé un rejeton, signe infaillible de la destinée de chacun de ses enfants. Le premier était maigre et s’était bientôt desséché. Aussi la fille qui venait de naître ne passa pas l’année. Le second, robuste et élancé, présageait un grand bonheur. Le troisième ressemblait à un arbre. (3) Sabinus le père alla, dit-on, sur la foi d’un haruspice, annoncer à sa mère qu’il lui était né un petit-fils qui serait César. Elle ne lui répondit que par un éclat de rire, s’étonnant que son fils radotât déjà, tandis qu’elle avait encore toute sa tête. (4) Dans la suite, lorsque Vespasien fut édile, Caius, outré de ce qu’il n’avait pas fait balayer les rues, ordonna qu’on le couvrît de boue. En exécutant cet ordre, les soldats salirent un pan de sa toge. Dès lors on présuma qu’un jour la république, foulée
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