Vies des douze Césars
province qu’il avait reçue de César avec l’approbation du sénat. (5) D’après le conseil de quelques-uns, Auguste lui suscita des assassins ; mais le complot fut découvert. Alors, craignant à son tour, il leva des vétérans qu’il combla de largesses pour les appeler au secours de la république et au sien. Il reçut ordre de se mettre à la tête de cette armée, comme propréteur, et d’aller avec Hirtius et Pansa, nommés consuls, soutenir Decimus Brutus. Cette expédition fut terminée en trois mois et en deux combats. (6) Dans le premier, il prit la fuite, s’il faut en croire Antoine, et ne reparut que deux jours après, sans cheval et sans cotte d’armes. On convient que, dans le second, il remplit les devoirs d’un chef et d’un soldat, et que le porte-enseigne de sa légion ayant été grièvement blessé dans la mêlée, il prit l’aigle sur ses épaules et la porta longtemps.
XI. Il est soupçonné d’avoir fait tuer les deux consuls
Hirtius et Pansa périrent tous deux dans cette guerre, l’un sur le champ de bataille, l’autre, peu après, des suites d’une blessure. Le bruit se répandit qu’Auguste était coupable de leur mort, parce qu’après la défaite d’Antoine, la république étant sans consuls, il était seul maître de l’armée victorieuse. (2) La mort de Pansa excita même de tels soupçons, que Glycon, son médecin, fut détenu en prison comme accusé d’avoir empoisonné sa blessure. (3) Aquilius Niger ajoute qu’Auguste tua lui-même Hirtius dans la mêlée.
XII. Il abandonne le parti des grands. Ses griefs contre ce parti ; sa vengeance
(1) Quoi qu’il en soit, lorsqu’il apprit qu’Antoine, après sa défaite, avait été reçu dans le camp de Lépide, et que les autres chefs, ainsi que leurs légions, étaient dévoués aux grands, il n’hésita pas à abandonner ce parti. Il prétexta, pour expliquer son changement, qu’il avait à se plaindre de leurs paroles et de leurs actions ; que les uns l’avaient traité d’enfant ; que d’autres avaient dit qu’il fallait le récompenser et l’élever ; et il trouvait qu’ils ne s’étaient pas montrés assez reconnaissants envers lui et ses vétérans. (2) Pour faire éclater davantage ses regrets d’avoir servi les grands, il frappa d’une amende énorme les habitants de Nursie, qui avaient érigé un monument aux citoyens morts devant Modène, avec cette inscription : « Aux victimes de la liberté » ; et, comme ils ne pouvaient payer cette amende, il les chassa de leur ville.
XIII. Triumvirat. Cruauté d’Auguste. Partage de l’empire
(1) Uni avec Antoine et Lépide, il termina aussi en deux batailles la guerre de Macédoine, quoiqu’il fût alors faible et malade. Dans la première, il fut chassé de son camp, et put à peine se réfugier vers Antoine ; (2) dans la seconde, il n’usa pas avec modération de la victoire. Il envoya à Rome la tête de Brutus pour qu’elle fût mise aux pieds de la statue de César. Il mêla l’outrage aux supplices qu’il prononça contre les plus illustres captifs. On dit même que l’un d’eux lui demandant avec instance la sépulture, il lui répondit que les vautours en prendraient soin. D’autres rapportent qu’un père et un fils le suppliant de leur accorder la vie, il ordonna qu’ils tirassent au sort ou qu’ils combattissent ensemble, promettant la grâce au vainqueur, et il vit le père succomber sous l’épée de son fils, et le fils se donner volontairement la mort. (3) Aussi, quand les autres captifs, et notamment M. Favonius, l’émule de Caton, parurent enchaînés, ils saluèrent respectueusement Antoine du nom d’imperator, et accablèrent Auguste des plus méprisantes railleries. (4) Dans le partage qui suivit la victoire, Antoine se chargea des affaires d’Orient ; Auguste ramena en Italie les vétérans, et les établit sur le territoire des villes municipales. Mais il ne sut se concilier ni l’esprit des soldats, ni celui des anciens possesseurs. Les uns se plaignirent d’être dépouillés, les autres de n’être pas récompensés selon leurs mérites.
XIV. Dangers qu’il court à l’époque de la guerre de Pérouse
(1) Dans ce même temps, enorgueilli de son consulat et du pouvoir de son frère, L. Antoine voulut exciter des troubles dans Rome. Auguste le força de s’enfuir à Pérouse, où il le réduisit par la famine ; mais ce ne fut pas sans courir de grands dangers personnels
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