Vies des douze Césars
Antoine avait toujours été chancelante et incertaine. Après de fausses réconciliations, il la rompit enfin ; et, pour prouver combien son collègue s’était écarté des usages reçus, il fit ouvrir et lire en pleine assemblée le testament qu’il avait laissé à Rome, testament dans lequel figuraient au nombre de ses héritiers les enfants de Cléopâtre. (2) Cependant, après l’avoir fait déclarer ennemi de la république, il lui renvoya tous ses parents et ses amis, entre autres C. Sosius et T. Domitius, alors consuls. (3) Il dispensa aussi les habitants de Bologne, qui de tout temps étaient de la clientèle des Antoines, de prendre les armes contre lui avec le reste de l’Italie. (4) Peu de temps après, il le vainquit à la bataille navale d’Actium. La lutte se prolongea si longtemps, que le vainqueur passa la nuit sur son vaisseau. (5) D’Actium il alla prendre ses quartiers d’hiver à Samos. Là, il apprit que les soldats de tous les corps qu’il avait envoyés à Brindes après la victoire, s’étaient soulevés, et demandaient leur congé et des récompenses. Il retourna donc en Italie. Dans cette traversée il essuya deux tempêtes, l’une entre les promontoires du Péloponnèse et de l’Étolie, l’autre près des monts Cérauniens. Cette double tourmente submergea une partie de ses vaisseaux liburniens, dispersa les agrès et brisa le gouvernail du bâtiment qu’il montait. (6) Il ne resta que vingt-sept jours à Brindes pour répondre aux demandes des soldats. Puis il gagna l’Égypte par l’Asie et la Syrie, assiégea Alexandrie où Antoine s’était réfugié avec Cléopâtre, et s’en rendit bientôt maître. (7) Antoine voulut parler de paix ; mais il n’était plus temps. Auguste le contraignit à se tuer, et il le vit mort. (8) Il désirait ardemment réserver Cléopâtre pour son triomphe ; et, comme on croyait qu’elle avait été mordue par un aspic, il fit venir des psylles pour sucer le venin de la plaie. (9) Il accorda les honneurs d’une sépulture commune à Antoine et à Cléopâtre, et ordonna qu’on achevât le tombeau qu’ils avaient commencé pour eux-mêmes. (10) Le jeune Antoine, l’aîné des deux fils nés de Fulvie, après avoir vainement essayé de fléchir Auguste à force de prières, s’était réfugié aux pieds de la statue de César. Auguste l’en arracha, et le fit mettre à mort. (11) Césarion, que Cléopâtre se vantait d’avoir eu de César, fut arrêté dans sa fuite et livré au supplice. (12) Quant aux autres enfants d’Antoine et de la reine, Auguste les traita comme ses proches, et leur fit un sort convenable à leur naissance.
XVIII. Il fait ouvrir le tombeau d’Alexandre. Ses travaux en Égypte
(1) Vers le même temps, il fit retirer de son tombeau le corps d’Alexandre, lui mit avec respect une couronne d’or sur la tête, et le couvrit de fleurs. On lui demanda s’il ne voulait pas visiter aussi le Ptoléméum [= les tombes des Ptolémées]. Il répondit qu’il était venu pour voir un roi, et non des morts. (2) Il réduisit l’Égypte en province romaine ; et, afin de la rendre plus fertile et d’une plus grande ressource pour Rome, il fit curer par ses soldats tous les canaux faits pour recevoir les inondations du Nil, et qui, de temps immémorial, étaient engorgés de limon. (3) Pour perpétuer la mémoire de la journée d’Actium, il fonda Nicopolis dans le voisinage de cette ville, et y institua des jeux quinquennaux. Il agrandit l’ancien temple d’Apollon, orna de dépouilles navales le lieu où avaient campé ses troupes, et le consacra à Mars et à Neptune.
XIX. Il échappe à plusieurs conspirations
(1) Il découvrit par sa police et étouffa dans leur naissance, des émeutes, des complots, de nombreuses conspirations qui se formèrent contre lui en différents temps ; d’abord la conjuration du jeune Lépide, celle de Varron Murena, de Fannius Cépion, de Marcus Egnatius, de Plautius Rufus, de Lucius Paulus, mari de sa petite-fille ; puis celle de Lucius Audasius, accusé de faux testament, et affaibli par l’âge et la maladie ; enfin celle d’Asinius Epicadus, demi-Parthe et demi-Romain, et celle de Télèphe, esclave nomenclateur d’une femme ; (2) car il eut à redouter les machinations et les embûches des gens de la plus basse condition. (3) Audasius et Épicade voulaient enlever sa fille Julie et son neveu [petit-fils] Agrippa des îles où ils étaient relégués, et les
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