Vies des douze Césars
l’époque où il demandait pour lui-même la fille de ce roi en mariage.
LXIV. Ses soins pour leur éducation
(1) Agrippa et Julie lui donnèrent trois petits-fils, Caius, Lucius et Agrippa : et deux petites-filles, Julie et Agrippine. (2) Il maria Julie à L. Paulus, fils du censeur, et Agrippine à Germanicus, petit-fils de sa sœur. (3) Il adopta Caius et Lucius, après les avoir achetés de leur père Agrippa, dans sa maison, par l’or et la balance. Il les appela au gouvernement, dès leur première jeunesse, les fit désigner consuls, et présenter dans les provinces et aux armées. (4) Il éleva simplement sa fille et ses petites-filles, qu’il habitua à travailler la laine. Il voulut que leurs paroles et leurs actions fussent publiques, afin d’être dignes d’entrer dans les mémoires journaliers de la maison. Il prit tellement soin de les éloigner de tout commerce étranger, qu’un jour il écrivit à Lucius Vicinius, jeune homme d’une figure et d’un mérite distingués, qu’il s’était conduit avec peu de convenance en venant visiter sa fille à Baïes. (5) Il enseigna à son petit-fils la lecture, la cryptographie et les autres éléments, et presque toujours par lui-même, en s’appliquant surtout à leur faire imiter son écriture. À table, il les faisait toujours asseoir au bas de son lit, et, en voyage, ils précédaient toujours sa voiture ou l’accompagnaient à cheval.
LXV. Ses chagrins de famille. Les Julies. Agrippa
(1) Mais la fortune vint troubler la confiance et la joie que lui inspiraient ses enfants et la bonne tenue de sa maison. (2) Il exila les deux Julies, sa fille et sa petite-fille, qui s’étaient souillées de toutes sortes d’opprobres. Caius et Lucius lui furent enlevés dans l’espace de dix-huit mois, le premier en Lycie, le second à Marseille. (3) Alors il adopta dans le Forum, en vertu de la loi curiate, Agrippa, son troisième petit-fils, et en même temps son beau-fils Tibère. Mais bientôt le caractère bas et féroce d’Agrippa le détermina à le rejeter de la famille et à le reléguer à Sorrente. (4) Plus sensible au déshonneur qu’à la perte des siens, Auguste ne fut pas entièrement abattu par la fin de Caius et de Lucius ; mais il instruisit le sénat des motifs de sa conduite envers sa fille par un mémoire qu’il donna à lire au questeur en son absence. La honte le tint longtemps éloigné du commerce des hommes. Il alla jusqu’à délibérer s’il ne ferait pas tuer sa fille. (5) Ce qu’il y a de certain, c’est que, vers le même temps, une de ses complices, une affranchie, nommé Phœbé, s’étant pendue, il dit qu’il aimerait mieux être le père de Phœbé. (6) Il interdit à sa fille exilée l’usage du vin, et toutes les recherches d’une vie délicate. Il ne souffrit qu’aucun homme ou libre ou esclave, lui rendît visite sans sa permission, et par conséquent sans qu’il sût son âge, sa taille, sa couleur, tout jusqu’aux marques et aux cicatrices de son corps. (7) Il la transporta, cinq ans après, de son île sur le continent, et la traita avec plus de douceur. Mais on ne put jamais obtenir qu’il la rappelât entièrement. Comme le peuple romain redoublait d’instances pour solliciter son retour, il lui souhaita publiquement de telles filles et de telles épouses. (8) Il défendit qu’on reconnût et qu’on élevât l’enfant que sa petite-fille Julie avait mis au jour après sa condamnation. (9) Enfin il transféra dans une Île Agrippa, qui, loin de s’adoucir, devenait de jour en jour plus intraitable, et l’entoura de gardiens. Il fit même rendre un sénatus-consulte qui le confinait à perpétuité dans cet endroit. (10) Toutes les fois qu’on lui parlait de lui et de l’une des Julies, il s’écriait : « Plût au ciel que je ne fusse pas marié et que je fusse mort sans descendance », et ne les appelait jamais que ses trois plaies ou ses trois chancres.
LXVI. Ses amis. Son chagrin de la mort de Gallus. À quelles conditions il accepte des héritages
(1) Il s’attachait difficilement ; mais, invariable dans ses liaisons, il ne se contentait pas de récompenser le mérite et les services de ses amis, il supportait même leurs imperfections et leurs fautes légères. (2) De tous ceux qu’il aima, on ne peut guère citer que Salvidienus Rufus et Cornelius Gallus qu’il ait maltraités ; le premier, qu’il avait élevé au consulat, le second à la préfecture
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