Vies des douze Césars
d’Égypte, quoiqu’ils fussent tous deux de la plus basse condition. (3) Il livra Salvidienus à la justice du sénat, parce qu’il excitait des troubles ; il interdit sa maison et ses provinces à Cornelius à cause de sa malveillance et de son ingratitude. (4) Toutefois, lorsque les dénonciations des accusateurs et les sénatus-consultes eurent déterminé celui-ci à se donner la mort, Auguste loua sans doute le zèle de ceux qui le vengeaient ainsi ; mais il pleura, et se plaignit de son sort qui le condamnait, lui seul, à ne point mettre de bornes à sa colère envers ses amis. (5) Puissants et riches, tous les autres atteignirent le terme de leur vie, revêtus des premières dignités de leur ordre, malgré les torts qu’ils avaient eus envers lui. (6) Pour ne pas citer trop d’exemples, je rappellerai qu’il eut à se plaindre de la susceptibilité de M. Agrippa et de l’indiscrétion de Mécène. Le premier, sur le plus léger soupçon de froideur, et sous prétexte que Marcellus lui était préféré, se retira à Mytilène ; l’autre avait révélé à sa femme Terentia le secret de la découverte de la conjuration de Murena. (7) Auguste exigeait de ses amis une affection mutuelle pendant leur vie et même après leur mort. (8) Sans être avide de successions, puisque jamais il ne put se résoudre à accepter le moindre legs d’un inconnu, il examinait avec un soin extrême les dernières dispositions de ses amis à son égard. Si la donation était mince ou conçue en termes peu honorables, il ne pouvait dissimuler son dépit, pas plus que sa joie, si le légataire lui manifestait sa reconnaissance ou son affection. (9) Lorsque des parents lui faisaient des legs, ou l’instituaient pour une portion d’héritage, il avait coutume de les abandonner sur-le-champ à leurs enfants, ou, s’ils étaient mineurs, il les leur rendait soit le jour où ils prenaient la toge virile, soit le jour de leur mariage, et y ajoutait un présent.
LXVII. Sa conduite envers ses affranchis et ses esclaves
(1) Comme patron et comme maître, il sut tempérer la sévérité par la clémence et la douceur. Il honora et reçut dans son intimité un grand nombre de ses affranchis, tels que Licinus, Encelade ainsi que d’autres. (2) Il se contenta de faire enchaîner l’esclave Cosmus qui avait parlé de lui avec une extrême inconvenance. Il aima mieux accuser de poltronnerie que de méchanceté son intendant Diomède, qui, se promenant avec lui, l’avait, dans un moment de frayeur, jeté au devant d’un sanglier terrible qui se précipitait sur eux : et, quoiqu’il eût couru un très grand danger, comme il n’y avait pas de mauvaise intention de la part de son intendant, il tourna la chose en plaisanterie. (3) D’un autre côté, il fit mourir Polus, l’un de ses plus chers affranchis, convaincu d’avoir un commerce adultère avec des matrones. Il fit rompre les jambes à Thallus son secrétaire, qui, pour trahir le secret d’une lettre, avait reçu cinq cents deniers. Il fit jeter dans la rivière, avec une lourde masse au cou, le précepteur et les esclaves de son fils Gains, qui avaient profité de la maladie et de la mort du jeune prince pour commettre, dans son gouvernement, des actes de tyrannie et de cupidité.
LXVIII. Débauches de sa jeunesse
(1) Sa première jeunesse fut flétrie par divers opprobres. Sextus Pompée le traita d’efféminé. M. Antoine lui reprocha d’avoir acheté l’adoption de Jules César au prix de son déshonneur. Lucius Antoine, frère de Marcus, prétend qu’après avoir livré à César la fleur de sa jeunesse, il s’était encore prostitué en Espagne à Aulus Hirtius pour trois cent mille sesterces, et qu’il avait coutume de se brûler le poil des jambes avec des coques de noix pour le faire revenir plus doux. (2) Un jour, aux jeux publics, on prononça sur la scène le vers suivant, au sujet d’un prêtre de Cybèle qui jouait du tambourin :
Voyez ce débauché gouverner l’univers avec le doigt.
Le peuple entier applaudit, et lui en fit malignement l’application.
LXIX. Ses adultères. Les complaisances de ses amis. Lettre impudique d’Antoine
(1) Ses amis n’ont excusé ses amours adultères, qu’en disant qu’ils étaient l’effet du calcul plutôt que de la passion, et qu’il se servait des femmes pour connaître les projets de ses adversaires. (2) Marc Antoine lui reproche, outre son brusque mariage avec Livie, d’avoir, en
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