Vies des douze Césars
sénateur, j’ai combattu votre avis avec un peu trop de liberté ». (3) Puis, s’adressant à tous, il ajouta : « Je l’ai dit souvent et je le répète, pères conscrits, un prince utile et bon, que vous avez investi d’un pouvoir aussi grand et aussi peu limité, doit être au service du sénat, souvent de tous les citoyens, et, la plupart du temps, de chacun en particulier. Je ne me repens pas de l’avoir dit. J’ai trouvé et je trouve encore en vous des maîtres pleins d’équité et de bienveillance ».
XXX. Il consulte les sénateurs sur toutes les affaires
(1) Il établit une apparence de liberté en conservant au sénat et aux magistrats leur ancienne majesté et leur ancienne puissance. (2) Il n’y eut point d’affaire, petite ou grande, publique ou particulière, dont il ne rendît compte au sénat. Il le consultait sur les impôts, sur les monopoles, sur les édifices à construire ou à réparer, sur les levées de troupes et les congés des soldats, sur l’état des légions et des corps auxiliaires, sur la prolongation des commandements, sur la conduite des guerres extraordinaires, sur le fond et sur la forme des réponses qu’il fallait faire aux lettres des rois. (3) Il obligea un commandant de cavalerie, accusé de violence et de rapine, de se justifier devant le sénat. Jamais il n’y entra que seul. Un jour qu’on l’y porta malade, dans sa litière, il fit retirer sa suite.
XXXI. Son respect pour la liberté des opinions et des suffrages. Sa déférence pour les magistrats
(1) Il ne faisait entendre aucune plainte lorsqu’on décidait quelque affaire contrairement à son avis. (2) Un jour, quoiqu’il soutînt que les magistrats nommés ne devaient pas s’absenter, afin qu’ils pussent vaquer à leurs fonctions, un préteur désigné n’en obtint pas moins une mission libre. (3) Une autre fois il avait voulu qu’on permît aux habitants de Trébie de consacrer à la réparation d’une route la somme qu’on leur avait léguée pour construire un nouveau théâtre ; mais il ne put empêcher que la volonté du testateur ne fût ratifiée. (4) À l’occasion d’un décret qui partageait le sénat, il passa du côté du petit nombre, et personne ne le suivit. (5) Il en était de même des autres affaires : elles ne se réglaient que par les magistrats et selon le droit ordinaire. L’autorité des consuls était si respectée, que des ambassadeurs d’Afrique allèrent les trouver pour se plaindre que César, à qui on les avait adressés, traînait leur procès en longueur. On ne doit point s’en étonner ; car on le voyait lui-même se lever devant eux et leur céder le passage.
XXXII. Sa modération à l’égard de tout le monde
(1) Il réprimanda des consulaires mis à la tête des armées, de ce qu’ils n’écrivaient point au sénat pour lui rendre compte de leurs actions, et de ce qu’ils demandaient son aveu pour accorder des récompenses militaires, comme s’ils n’avaient pas le droit d’en disposer eux-mêmes. (2) Il combla d’éloges un préteur qui, à son entrée en charge, avait fait revivre l’ancien usage de louer ses aïeux devant l’assemblée du peuple. Il accompagna jusqu’au bûcher les funérailles de quelques citoyens illustres. (3) Il se montra également modéré envers des personnes de moindre condition, et pour de moindres objets. Des magistrats de Rhodes lui avaient adressé, au nom de la cité, des lettres sans signature. Il les fit venir à Rome, et, loin de leur en faire un reproche, il se contenta de les renvoyer avec ordre de signer leurs lettres. (4) Diogène le grammairien, qui donnait des leçons à Rhodes tous les jours de sabbat, ne l’avait pas admis à des conférences particulières, et l’avait fait prier par son esclave de revenir le septième jour. Ce grammairien étant venu à Rome, se présenta à la porte de son palais pour lui rendre ses devoirs. Tibère, pour toute réponse, lui dit de revenir dans sept ans. (5) Il écrivit aux commandants des provinces qui lui conseillaient d’augmenter les impôts : « Un bon pasteur doit tondre ses brebis, et non les écorcher ».
XXXIII. Son zèle pour la justice
(1) Peu à peu, laissant tomber le masque, il joua le rôle d’empereur, toujours capricieux sans doute, mais en général facile et disposé à bien servir l’État. (2) Il n’intervint d’abord que pour empêcher les abus. C’est ainsi qu’il cassa quelques décrets du sénat,
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