Vies des douze Césars
carrière à la fois à tous les vices qu’il avait jusque là mal dissimulés. Je les ferai connaître tous dès leur origine. (2) À ses débuts militaires, sa grande passion pour le vin le faisait appeler Biberius au lieu de Tiberius, Caldius, au lieu de Claudius, Mero au lieu de Nero. (3) Plus tard, quand il fut empereur, il passa deux jours et deux nuits à table avec Pomponius Flaccus et Lucius Pison, dans le temps même où il travaillait à la réforme des mœurs. Aussitôt après, il donna à l’un le gouvernement de la Syrie, et à l’autre la préfecture de Rome. Dans ses lettres, il les appelait ses amis les plus chers et de toutes les heures. (4) Il avait réprimandé dans le sénat Sestius Gallus, vieillard libertin et prodigue, autrefois noté d’infamie par Auguste. Peu de jours après, il lui demanda à souper, à condition qu’il ne changerait rien à ses habitudes, et que le repas serait servi par des jeunes filles nues. (5) Les plus nobles candidats se présentaient pour la questure. Il préféra le plus inconnu, parce que, sur son défi, dans un festin, il avait vidé son amphore. (6) Il donna deux cent mille sesterces à Asellius Sabinus, pour un dialogue où le champignon, le becfigue, l’huître et la grive se disputaient la prééminence. (7) Enfin il institua une nouvelle charge, « l’intendance des plaisirs », et il la confia à T. Caesonius Priscus, chevalier romain.
XLIII. Ses débauches
(1) Dans sa retraite de Caprée, il avait imaginé des chambres garnies de bancs pour des obscénités secrètes. C’est là que des groupes de jeunes filles et de jeunes libertins, ramassés de tous côtés, et les inventeurs de voluptés monstrueuses qu’il appelait « spintries », formaient entre eux une triple chaîne, et se prostituaient ainsi en sa présence pour ranimer par ce spectacle ses désirs éteints. (2) Il avait orné divers cabinets des peintures et des images les plus lascives. Il y avait aussi placé les livres d’Éléphantis, afin que nulle infamie ne manquât de modèle ordonné par lui. (3) Les bois et les forêts n’étaient plus que des asiles consacrés à Vénus, où l’on voyait de toutes parts la jeunesse des deux sexes, dans le creux des rochers et dans des grottes, présentant des attitudes voluptueuses, en costumes de nymphes et de sylvains. Aussi, en jouant sur le nom de l’île, appelait-on communément Tibère, « Caprineus ».
XLIV. Ses débauches (suite)
(1) Il poussa encore plus loin ses turpitudes : la pudeur empêche autant d’y croire qu’elle répugne à le dire ou à l’entendre raconter. On suppose qu’il accoutumait des garçons dès l’âge le plus tendre, qu’il appelait ses petits poissons, à se tenir et à jouer entre ses cuisses pendant qu’il nageait, et à l’exciter de leur langue et de leurs morsures. On prétend encore qu’il donnait à téter ses parties naturelles ou son sein, à des enfants déjà forts, quoique non sevrés, genre de débauche auquel son âge et son goût le portaient le plus. (2) Aussi quelqu’un lui ayant légué un tableau de Parrhasius, où Atalante rendait à Méléagre cet ignoble service, et le testament portant pour alternative que, si le tableau lui déplaisait, il acceptât à la place un million de sesterces ; il ne se contenta pas de choisir le tableau, il le mit dans sa chambre à coucher. (3) On dit qu’un jour en offrant un sacrifice, épris tout à coup de la beauté de celui qui lui présentait l’encens, il attendit à peine que la cérémonie fût achevée pour l’entraîner à part et lui faire violence, ainsi qu’à son frère, joueur de flûte. On ajoute que, bientôt après, il leur fit casser les jambes parce qu’ils se reprochaient mutuellement cette infâme complaisance.
XLV. Ses débauches (suite)
(1) Il ne se jouait pas moins de la vie des femmes, et même des plus illustres, comme on put s’en convaincre par la mort de Mallonia qui, malgré toutes les séductions, s’était constamment refusée à ses désirs. Il la fit accuser par des délateurs, et ne cessa pendant l’accusation de lui demander si elle ne se repentait pas. Mais, abandonnant l’audience, elle se sauva chez elle et se perça d’un glaive, après l’avoir traité à haute voix de vieillard impur, grossier et dégoûtant. (2) Aussi applaudit-on avec enthousiasme ces mots de l’épilogue d’une atellane, aux jeux qui furent célébrés peu de temps après :
Un vieux bouc
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