Vies des douze Césars
et que souvent il s’offrait pour conseil aux magistrats, s’asseyant à côté d’eux dans leur tribunal ou se plaçant vis-à-vis d’eux au premier rang. S’il apprenait qu’on voulût employer la faveur pour sauver un coupable, il apparaissait tout à coup, et, soit de sa place, soit du tribunal de l’instructeur, il rappelait aux juges les lois, leur caractère sacré et le délit dont ils devaient connaître. Partout où il voyait la négligence ou une mauvaise habitude influer sur les mœurs publiques, il y portait remède.
XXXIV. Ses règlements contre le luxe et contre d’autres abus
(1) Il réforma la dépense des jeux et des spectacles, en restreignant le salaire des acteurs et en fixant le nombre des couples de gladiateurs. (2) Il se plaignit amèrement que les vases de Corinthe fussent portés à un prix exorbitant, et que trois surmulets eussent été vendus trente mille sesterces. Il voulut qu’on mît des bornes au luxe des meubles, et que le sénat réglât tous les ans le prix des denrées. Les édiles eurent ordre de surveiller les cabarets et les lieux de débauche avec tant de sévérité, qu’ils ne permissent pas même d’exposer en vente de la pâtisserie. (3) Pour donner l’exemple de l’économie, il faisait servir dans ses repas de cérémonie, des mets de la veille, et souvent même entamés, disant qu’une moitié de sanglier était aussi bonne qu’un sanglier tout entier. (4) Il abolit par un édit l’usage de s’embrasser tous les jours, et défendit de prolonger l’échange des étrennes au-delà des calendes de janvier. Il avait coutume de rendre de sa propre main le quadruple de celles qu’il recevait. Mais, fatigué de se voir interrompre pendant un mois de suite par ceux qui n’avaient pas pu le voir le premier jour de l’année, il ne rendit plus rien.
XXXV. Contre la corruption des mœurs
(1) Il rétablit l’ancienne coutume de faire punir par une assemblée de parents une femme adultère, à défaut d’accusateur public. (2) Il fit à un chevalier remise du serment, afin qu’il pût renvoyer sa femme surprise en commerce criminel avec son gendre, quoiqu’il eût juré de ne jamais la répudier. (3) Des femmes perdues de réputation, pour échapper aux peines prononcées par les lois contre les matrones qui oubliaient leurs devoirs et leur dignité, prenaient le parti de se déclarer courtisanes ; et de jeunes libertins des deux ordres se soumettaient d’eux-mêmes à une flétrissure judiciaire, pour n’être pas empêchés par les défenses du sénat de paraître sur le théâtre ou dans l’arène. Afin qu’on ne pût trouver aucun subterfuge, Tibère exila tous ces hommes et toutes ces femmes. (4) Il ôta le laticlave à un sénateur qui avait été loger à la campagne vers les calendes de juillet, pour louer ensuite à meilleur compte une maison à Rome, quand le terme serait écoulé. Il destitua un questeur pour avoir répudié le lendemain du tirage au sort une femme qu’il avait épousée la veille.
XXXVI. Contre les superstitions étrangères
(1) Il interdit les cérémonies des cultes étrangers, les rites égyptiens et judaïques. Il obligea ceux qui étaient adonnés à ces superstitions de jeter au feu les habits et les ornements sacrés. (2) Sous prétexte de service militaire, il répartit la jeunesse juive dans des provinces malsaines. Il exila de Rome le reste de cette nation et ceux qui pratiquaient un culte semblable, sous peine d’une servitude perpétuelle en cas de désobéissance. (3) Il bannit aussi les astrologues ; mais il leur pardonna, sur la promesse qu’ils lui firent d’abandonner leur art.
XXXVII. Ses précautions pour la tranquillité publique. Il emploie la ruse à l’égard des rois suspects
(1) Il eut soin surtout de garantir le repos public contre les brigandages, les vols et les séditions. (2) Il disposa dans l’Italie des postes plus nombreux. Il établit un camp à Rome, où il rassembla les cohortes prétoriennes, dispersées auparavant çà et là chez les citoyens. (3) Il réprima sévèrement les troubles populaires et s’appliqua à les prévenir. (4) Un meurtre avait été commis au cours d’une rixe au théâtre. Il relégua loin de Rome les chefs des partis, et les acteurs qui étaient les objets de la querelle, et ne consentit jamais à les rappeler, quelques instances que le Peuple pût lui faire. (5) Les habitants de Pollentia avaient arrêté sur la place publique le
Weitere Kostenlose Bücher