Vies des douze Césars
convoi d’un centurion primipilaire jusqu’à ce qu’ils eussent extorqué des héritiers une somme d’argent pour un spectacle de gladiateurs. Il tira une cohorte de Rome et une autre du royaume de Cottius, en cachant le motif de leur marche. Elles entrèrent tout à coup dans la ville par toutes les portes, l’épée à la main, au son des trompettes, et mirent dans les fers à perpétuité la plus grande partie des habitants et des décurions. (6) Il abolit partout le droit d’asile. (7) Les habitants de Cyzique s’étaient livrés à des actes de violence contre les citoyens romains. Par un décret public, il leur ôta la liberté dont il avait récompensé leurs services dans la guerre contre Mithridate. (8) Il n’entreprit plus désormais aucune expédition militaire. C’est par ses lieutenants qu’il contint les mouvements des ennemis ; encore ne le fit-il qu’avec réserve, et quand la nécessité l’y obligeait. (9) Il employa les reproches et les menaces plutôt que la force pour tenir en respect les rois ennemis de l’empire. Il sut, par des flatteries et des promesses, en attirer quelques-uns à sa cour où il les retint. De ce nombre furent le Germain Marobodus, le Thrace Rhascuporis et le Cappadocien Archelaüs dont il réduisit aussi le royaume en province romaine.
XXXVIII. Il trompe tout le monde sur ses voyages
Pendant les deux premières années qui suivirent son avènement à l’empire, il ne mit pas le pied hors de Rome ; et, dans la suite, il n’alla que dans les villes voisines, jamais plus loin qu’Antium, et ne s’absenta que très rarement et pour peu de jours. Cependant il annonçait souvent qu’il visiterait les provinces et les armées. Chaque année il préparait son départ, faisait disposer dans les municipalités et dans les colonies des relais et des provisions. Enfin il souffrit que l’on fit des vœux solennels pour son voyage et pour son retour. Aussi l’appelait-on en plaisantant, Callippide, nom d’un acteur qui, suivant un proverbe grec, courait çà et là sans avancer d’une coudée.
XXXIX. Il se retire en Campanie. Danger qu’il courut près de Terracine
(1) Mais quand il eut perdu ses deux fils, Germanicus et Drusus, le premier en Syrie, le second à Rome, il se retira dans la Campanie. Presque tout le monde fut alors persuadé qu’il ne reviendrait jamais à Rome, et qu’il n’avait pas longtemps à vivre : (2) c’était le bruit public qui se trouva vrai en partie. Non seulement il ne rentra plus dans Rome, mais, peu de jours après son départ, tandis qu’il soupait près de Terracine, dans une villa qu’on appelait la grotte, un grand nombre de grosses pierres venant à se détacher de la voûte, écrasèrent beaucoup de convives et d’esclaves. Tibère échappa contre toute espérance.
XL. Il se fixe à Caprée. Désastre de Fidènes
(1) Après avoir parcouru la Campanie, quand il eut fait la dédicace du Capitole à Capoue, et celle du temple d’Auguste à Nole (double cérémonie qui avait servi de prétexte à son voyage), il se rendit à Caprée. Il aimait cette île, parce qu’on n’y pouvait aborder que d’un côté, encore, l’accès en était-il fort étroit. Partout ailleurs elle était entourée de rochers escarpés d’une immense hauteur et d’une mer profonde. (2) Il fut bientôt rappelé par les instances réitérées du peuple, à cause du désastre qui venait d’arriver à Fidènes, où la chute d’un amphithéâtre avait fait périr plus de vingt mille personnes dans un spectacle de gladiateurs. Il repassa sur le continent où il se rendit d’autant plus accessible, qu’en sortant de Rome il avait défendu par un édit que personne l’approchât, et que sur la route il avait écarté tout le monde.
XLI. Il abandonne le soin de l’empire
Revenu dans son île, il abandonna tellement le soin de la république, qu’à dater de cette époque, il ne compléta jamais les décuries des chevaliers, et qu’il ne fit aucune mutation ni parmi les tribuns des soldats, ni parmi les commandants de province. Il laissa l’Espagne et la Syrie pendant quelques années sans lieutenants consulaires. Il permit aux Parthes d’envahir l’Arménie, aux Daces et aux Sarmates de ravager la Mésie, et aux Germains les Gaules, à la grande honte et au grand péril de l’empire.
XLII. Sa passion pour le vin
(1) À la faveur de la solitude et pour ainsi dire loin des regards de la cité, il donna libre
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