Vies des douze Césars
feux me frayer un passage.
Ou encore : « J’en atteste les dieux, lorsque j’entends dire ou que je lis que l’excès du travail vous affaiblit, je frissonne de tout mon corps. Ménagez-vous, je vous en supplie. Si vous tombiez malade, votre mère et moi, nous expirerions de douleur, et le peuple romain risquerait de perdre son ascendant suprême. » (10) -- « Ma santé n’est rien, si la vôtre n’est pas bonne. » -- « Je prie les dieux qu’ils vous conservent à nos vœux, et qu’ils vous maintiennent toujours en bon état, s’ils ne se lassent pas de protéger le peuple romain."
XXII. Ouverture du testament d’Auguste
(1) Il ne rendit publique la mort d’Auguste qu’après le meurtre du jeune Agrippa. Ce fut un tribun militaire, préposé à la garde de ce prince, qui lui ôta la vie, après lui avoir donné lecture de l’ordre qu’il en avait reçu. On ne sait si Auguste avait signé cet ordre en mourant, pour écarter tout ce qui pourrait causer des troubles après lui, ou si Livie l’avait dicté au nom d’Auguste, de l’aveu ou à l’insu de Tibère. (2) Quand le tribun lui annonça qu’il avait accompli son mandat, Tibère répondit qu’il n’avait rien ordonné, et que l’exécuteur de cet ordre en rendrait compte au sénat. Il ne voulait, pour le moment, que se soustraire à l’indignation publique, car il laissa bientôt tomber cette affaire dans l’oubli.
XXIII. Ouverture du testament d’Auguste (suite)
(1) En vertu de sa puissance tribunicienne, il convoqua le sénat, commença une allocution, puis tout à coup il s’arrêta, comme étouffé par ses sanglots, et succombant à sa douleur. Il aurait désiré, disait-il, perdre la vie avec la parole, et il donna son discours à son fils Drusus pour qu’il en fît la lecture. (2) On apporta ensuite le testament d’Auguste. Parmi les signataires, il n’admit à le reconnaître que des sénateurs, tandis que les autres n’en vérifièrent l’authenticité qu’en dehors de la curie. Ce fut un affranchi qui le lut. (3) Il commençait ainsi : « Puisqu’un sort funeste m’a enlevé mes fils Gaius et Lucius, je nomme Tibère César mon héritier pour une moitié plus un sixième ». (4) Cette rédaction fit soupçonner davantage encore qu’Auguste l’avait institué plutôt par nécessité que par choix, puisqu’il n’avait pu s’empêcher de le dire dans son préambule.
XXIV. Tibère accepte l’empire après l’avoir refusé longtemps
(1) Quoiqu’il n’eût hésité ni à s’emparer de la puissance, ni à l’exercer ; quoiqu’il eût pris une garde, et par conséquent la force et les dehors de la souveraineté, il la refusa longtemps avec une insigne impudence ; tantôt répondant à ses amis qui lui conseillaient d’accepter : « Vous ne savez pas quel monstre est l’empire » ; tantôt tenant en suspens, par ses réponses ambiguës et une hésitation astucieuse, le sénat qui le suppliait, et qui s’était jeté à ses genoux. Quelques personnes perdirent patience, et l’une d’elles s’écria dans la foule : « Qu’il accepte ou se désiste ». Un autre lui dit en face : « Ordinairement ceux qui promettent sont lents à tenir leur promesse ; mais vous, vous êtes long à promettre ce que vous avez déjà fait ». (2) Enfin il accepta l’empire, comme malgré lui, en déplorant la misérable et lourde servitude qu’on lui imposait, et en exprimant l’espoir qu’il s’en délivrerait un jour. Ses paroles expresses furent : « Jusqu’à ce que j’arrive au temps où il pourra vous paraître juste d’accorder quelque repos à ma vieillesse ».
XXV. Troubles qui s’élèvent au commencement de son règne
(1) Il avait des raisons pour hésiter : des dangers le menaçaient de toutes parts, et il disait souvent qu’il tenait le loup par les oreilles. (2) Un esclave d’Agrippa, nommé Clemens, avait rassemblé une troupe assez considérable pour venger son maître ; et un noble personnage, L. Scribonius Libo, préparait secrètement une révolution. Les légions s’étaient soulevées en Illyrie et en Germanie. (3) Elles étalaient beaucoup de prétentions extraordinaires ; surtout elles voulaient avoir la même paie que les soldats prétoriens. (4) L’armée de Germanie refusait de reconnaître un prince qu’elle n’avait point élu, et pressait vivement Germanicus qui la commandait de s’emparer du trône ; mais il s’en défendit avec
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