Vies des douze Césars
Sénèque a écrit que, sentant sa fin approcher, il avait ôté son anneau, comme pour le donner à quelqu’un, et qu’après l’avoir tenu quelques instants, il l’avait remis ensuite, et était resté longtemps immobile, la main gauche fermée ; que tout à coup il avait appelé ses esclaves, et que, comme personne ne lui répondait, il s’était levé, mais que les forces venant à lui manquer, il était tombé mort auprès de son lit.
LXXIV. Présages qui avaient annoncé sa mort
(1) Au dernier anniversaire de sa naissance, il crut voir en songe un Apollon Téménite, d’une grandeur et d’une beauté rares, qu’il avait fait venir de Syracuse pour le placer dans la bibliothèque du nouveau temple, et ce dieu lui assurait qu’il ne pourrait y être consacré par lui. (2) Quelques jours avant sa mort, un tremblement de terre fit tomber la tour du phare à Caprée. (3) À Misène, le brasier qu’on avait apporté pour échauffer la salle à manger, s’était éteint et refroidi depuis longtemps, lorsqu’il se ralluma tout à coup sur le soir et brûla jusque bien avant dans la nuit.
LXXV. Joie à Rome. Imprécations contre sa mémoire
(1) À la première nouvelle de sa mort, la joie fut telle dans Rome, qu’on se mit à courir çà et là, les uns criant qu’il fallait jeter Tibère dans le Tibre, les autres suppliant la terre maternelle et les dieux mânes de ne lui accorder de place que parmi les impies ; d’autres, exaspérés par une atrocité récente qui se joignait au souvenir de ses anciennes cruautés, le menaçaient du croc et des Gémonies. (2) Un sénatus-consulte avait statué que la peine des condamnés serait toujours différée jusqu’au dixième jour. Or il arriva que quelques-uns devaient être exécutés le jour même où l’on apprit la mort de Tibère. (3) Ils demandaient leur grâce à tout le monde. Mais, comme il n’y avait personne à qui l’on pût s’adresser, Gaius étant encore absent, les gardiens, craignant de contrevenir aux ordres qu’ils avaient reçus, les étranglèrent et les jetèrent aux Gémonies. (4) La haine redoubla, comme si la barbarie du tyran se faisait encore sentir après sa mort. (5) Lorsqu’on enleva son corps de Misène, beaucoup de personnes crièrent qu’il fallait le transporter et le brûler dans l’amphithéâtre d’Atella. Mais des soldats le portèrent à Rome, où on le brûla au cours de funérailles publiques.
LXXVI. Son testament
(1) Deux ans avant sa mort, il avait fait un double testament. L’un des exemplaires était de sa main, l’autre de celle d’un affranchi ; mais ils étaient tous deux parfaitement semblables et signés par les gens de la plus basse condition. (2) Il instituait ses héritiers par égales portions, Gaius son petit-fils par Germanicus, et Tibère qui l’était par Drusus ; de plus, il les instituait mutuellement héritiers l’un de l’autre. Il faisait aussi des legs à beaucoup de personnes, entre autres aux vestales, aux soldats, à chaque citoyen, et aux surveillants de chaque quartier.
IV.
Vie de Caligula
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Traduction française de M.Cabaret-Dupaty, Paris, 1893, avec quelques adaptations de J. Poucet, Louvain, 2001
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I. Exploits et mort de Germanicus, père de Caligula
(1) Germanicus, père de Caius César Caligula, et fils de Drusus et d’Antonia, la plus jeune des filles d’Antoine, fut adopté par son oncle Tibère. Il exerça la questure cinq ans avant l’âge permis par les lois, et le consulat immédiatement après. Envoyé à l’armée de Germanie, il contint avec autant de fermeté que de zèle les légions qui, à la première nouvelle de la mort d’Auguste, refusaient obstinément de reconnaître Tibère pour empereur, et lui déféraient le commandement suprême. Il vainquit l’ennemi et triompha. (2) Nommé consul pour la seconde fois, avant d’entrer en charge, il fut, pour ainsi dire, chassé de Rome pour aller apaiser l’Orient. Après avoir donné un roi à l’Arménie et réduit la Cappadoce en province romaine, il mourut à Antioche, à l’âge de trente-quatre ans, d’une maladie de langueur que l’on soupçonna être causée par le poison. (3) En effet, outre les taches livides qui couvraient son corps, et l’écume qui sortait de sa bouche, on trouva, parmi ses cendres et ses os, son cœur intact. Or, on croit communément que le cœur imprégné de poison
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