Vies des douze Césars
les cris de ceux qui se félicitaient et qui chantaient de tous côtés : « Rome est sauvée, la patrie est sauvée, Germanicus est sauvé ». (2) Mais lorsque sa mort fut enfin devenue certaine, aucune consolation, aucun édit ne put contenir la douleur publique ; elle dura même pendant les fêtes de décembre. (3) Les abominations des années suivantes ajoutèrent encore à la gloire de ce jeune prince et au regret de sa perte. Tout le monde pensait, et avec raison, que le respect et la crainte qu’il inspirait à Tibère avaient mis un frein à la barbarie qu’il fit bientôt éclater.
VII. Mariage et enfants de Germanicus
Germanicus avait épousé Agrippine, fille d’Agrippa et de Julie, et il en eut neuf enfants. Deux d’entre eux moururent en bas âge, et un troisième au sortir de l’enfance. Ce dernier était remarquable par sa gentillesse. Livie orna son image des insignes de Cupidon, et la plaça dans le temple de Vénus, au Capitole. Auguste la mit dans sa chambre, et la baisait toutes les fois qu’il y entrait. Les autres survécurent à leur père, savoir trois filles, Agrippine, Drusilla et Livilla, nées dans trois années consécutives ; et trois enfants mâles, Néron, Drusus et Caius César. Le sénat, sur les accusations de Tibère, déclara Néron et Drusus, ennemis publics.
VIII. Opinions diverses sur le lieu où naquit Caligula
(1) Caius César naquit la veille des calendes de septembre, sous le consulat de son père, et de C. Fonteius Capito. (2) On ne s’accorde pas sur le lieu de sa naissance. (3) Cneius Lentulus Gaetulicus dit qu’il est né à Tibur ; Pline prétend que ce fut dans le village appelé Ambitarvius, dans le pays de Trèves, au-dessus de Coblence. À l’appui de son opinion, il ajoute qu’on y montre encore des autels qui portent cette inscription : « En l’honneur des couches d’Agrippine. » (4) Les vers suivants qui furent publiés peu après son avènement, indiquent qu’il est né dans des quartiers d’hiver des légions :
Au milieu de nos camps le sort qui l’a fait naître,
À l’amour des soldats le désignait pour maître.
(5) Je trouve dans les archives qu’il vit le jour à Antium. (6) Pline réfute Cneius Lentulus, et l’accuse d’avoir menti par adulation, pour ajouter à l’éloge d’un prince jeune et glorieux ce que pouvait encore lui donner d’éclat une ville consacrée à Hercule. Ce qui l’enhardit à ce mensonge, c’est que, l’année précédente, Tibur avait vu naître un autre fils de Germanicus, également nommé Caius César, celui dont nous avons rappelé l’aimable enfance et la fin prématurée. (7) Mais Pline est contredit par la suite des événements ; car les historiens d’Auguste sont d’accord sur ce point, que Germanicus ne fut envoyé dans les Gaules qu’après son consulat, et lorsque Caius était déjà né. (8) L’inscription des autels dont se prévaut Pline n’appuie en rien sa thèse, puisque Agrippine mit au monde deux filles dans ce pays-là, et qu’on applique le mot « puerperium » à toute espèce d’accouchement sans distinction de sexe ; car les anciens appelaient les filles « puerae » et les garçons « puelli ». (9) Nous possédons aussi une lettre qu’Auguste, peu de mois avant sa mort, écrivait à sa petite-fille Agrippine. Voici comme il y parle de Caius (et alors il n’y avait plus d’autre enfant de ce nom) : « Je suis convenu hier avec Talarius et Asillius que, s’il plaît aux dieux, ils partiront le dix-huit mai avec le petit Caius. J’envoie avec lui un médecin de ma maison, et j’écris à Germanicus de le garder, s’il le veut. Porte-toi bien, mon Agrippine, et tâche d’arriver en bonne santé auprès de ton Germanicus. » (10) Cette lettre prouve suffisamment, ce me semble, que Caius n’est point né à l’armée, puisqu’il avait près de deux ans lorsqu’il y fut amené de Rome pour la première fois. (11) C’en est assez pour n’ajouter aucune foi aux vers que j’ai cités, d’autant plus que l’auteur en est inconnu. (12) Il faut donc s’en tenir à l’autorité des registres publics. On sait d’ailleurs que Caius préféra toujours Antium à toutes les autres retraites, et qu’il eut pour ce lieu tout l’amour que l’on porte au sol natal. On dit même que, dégoûté de Rome, il voulut y transporter le siège de l’empire.
IX. Il inspire une grande affection aux soldats
(1) Il dut le
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