Vies des douze Césars
de débauche. Aussi n’eut-il aucune peine à les condamner à l’exil comme complices de la conjuration de Lepidus et comme adultères. (6) Non seulement il publia leurs lettres autographes, qu’il avait surprises par fraude ou par corruption, mais il consacra à Mars Vengeur trois épées, qu’il disait avoir été préparées contre lui, et y joignit une inscription.
XXV. Ses adultères
(1) Il serait difficile de dire s’il fut plus impudent à contracter ses mariages qu’à les maintenir ou à les dissoudre. (2) Caius Pison venait d’épouser Livia Orestilla. L’empereur, qui avait assisté à la noce, fit conduire l’épouse chez lui, la répudia peu de jours après, et deux ans plus tard, l’exila, parce que, dans cet intervalle, elle paraissait avoir renoué sa liaison avec son premier mari. (3) D’autres prétendent qu’étant invité au repas nuptial, l’empereur dit à Pison assis à côté d’Orestilla : « Ne serrez pas ma femme de si près » ; que sur-le-champ, il l’emmena hors du festin, et que le lendemain il publia qu’il avait rencontré un mariage à la manière de Romulus et d’Auguste. (4) Ayant entendu dire que l’aïeule de Lollia Paulina, femme de C. Memmius, personnage consulaire qui commandait les armées, avait été fort belle, il fit aussitôt venir Lollia de sa province, l’enleva à son mari, l’épousa, et la renvoya bientôt en lui interdisant désormais tout commerce avec un homme. (5) Il aima avec plus de constance et de passion Césonia, dépourvue sans doute de beauté et de jeunesse, et mère de trois filles, mais femme de la plus impudente lubricité. Il la fit voir souvent à ses soldats, revêtue d’une chlamyde, avec un casque et un bouclier, et montant à cheval à côté de lui. Il la montra nue à ses amis. (6) Quand elle eût mis au monde une fille, il l’honora du nom de son épouse, et le même jour, se reconnut son mari et le père de l’enfant. Il la nomma Julia Drusilla, la promena dans les temples de toutes les déesses, et la déposa sur les genoux de Minerve qu’il chargea du soin de la nourrir et de l’élever. (8) Il ne croyait pas qu’il y eût de plus sûr indice de sa paternité que la cruauté, de sa fille, cruauté déjà poussée à un tel point, que de ses doigts elle attaquait avec fureur le visage et les yeux des enfants qui jouaient avec elle.
XXVI. Ses meurtres. Son mépris pour tous les ordres de l’État.
(1) Après ces détails, il est presque indifférent de raconter comment il traita ses proches et ses amis. Ptolémée, par exemple, fils du roi Juba et cousin de Caligula (car il était petit-fils de Marc-Antoine, étant né de sa fille Séléné), et Macron, et cette même Ennia, qui l’élevèrent à l’empire, tous, pour prix de leur parenté ou de leurs services, périrent d’une mort sanglante. (2) Il ne fut pas plus respectueux ni plus humain envers le sénat. Il souffrait que des personnages qui avaient été honorés des plus hautes dignités vinssent en toge au-devant de son char l’espace de plusieurs milliers de pas, et que ceints d’une serviette, ils se tinssent debout pendant son repas, soit derrière son siège, soit à ses pieds. Il se défit de quelques-uns secrètement, et ne laissa pas de les appeler, comme s’ils eussent vécu encore ; et, peu de jours après, il leur imputa une mort volontaire. (3) Il destitua les consuls pour avoir oublié d’annoncer par un édit l’anniversaire de sa naissance, et l’empire resta pendant trois jours sans autorité souveraine. (4) Il fit battre de verges son questeur, qui avait été nommé dans une conjuration, et jeter ses vêtements dont on l’avait dépouillé sous les pieds des soldats pour que leurs coups fussent plus assurés. (5) Il traita avec la même hauteur et la même violence les autres ordres de l’État. (6) Importuné par le bruit de ceux qui, dès le milieu de la nuit, se hâtaient de s’emparer au cirque des places gratuites, il les fit chasser à coups de bâton. Plus de vingt chevaliers romains, autant de matrones et une foule d’autres personnes furent écrasés dans cette bagarre. (7) Il se plaisait à exciter des querelles entre le peuple et les chevaliers. Il faisait commencer les distributions scéniques avant l’heure ordinaire, afin que les bancs des chevaliers fussent occupés par les gens de la plus basse condition. (8) Au milieu d’un spectacle de gladiateurs, il ordonnait tout à coup qu’on retirât
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