Vies des douze Césars
de le tuer, disant « qu’il lui fallait une saignée, puisque, depuis si longtemps, l’ellébore ne lui servait de rien. » (7) Tous les dix jours il faisait la liste des prisonniers qu’on devait exécuter, et il appelait cela « apurer ses comptes. » (8) Un jour qu’il avait condamné en même temps des Grecs et des Gaulois, il se vantait « d’avoir subjugué la Gallo-Grèce ».
XXX. Ses cruautés
(1) Il ne faisait guère périr ses victimes qu’à petits coups réitérés, et l’on connaît de lui ce mot qu’il répétait souvent : « Fais en sorte qu’il se sente mourir. » (2) Une méprise de nom ayant fait punir un autre homme que celui qu’il destinait au supplice : « Celui-ci, dit-il, l’a autant mérité que l’autre. » (3) Il avait fréquemment à la bouche ce mot d’une tragédie : « Qu’ils me haïssent, pourvu qu’ils me craignent. » (4) Il s’emportait souvent contre tous les sénateurs, et les appelait créatures de Séjan ou dénonciateurs de sa mère et de ses frères ; et, produisant les pièces qu’il avait feint de brûler, il justifiait la cruauté de Tibère autorisée par tant d’accusations. (5) Il ne cessait d’attaquer l’ordre des chevaliers comme idolâtre de jeux et de spectacles. (6) Irrité de voir le peuple d’un avis contraire au sien dans une représentation théâtrale, il s’écria : « Plût aux dieux que le peuple romain n’eût qu’une tête !» (7) On accusait devant lui un voleur nommé Tetrinius. il dit que ceux qui en demandaient la condamnation étaient eux-mêmes des Tetrinius. (8) Cinq des champions en tuniques que l’on nomme rétiaires, et qui combattent en troupe, ayant succombé sans résistance sous un pareil nombre de gladiateurs, on avait prononcé leur arrêt de mort. Mais l’un d’eux, reprenant sa fourche, tua tous les vainqueurs. Ce massacre lui parut affreux. Il le déplora dans un édit, et chargea d’imprécations ceux qui avaient soutenu ce spectacle.
XXXI. Ses cruautés
Il avait coutume de se plaindre de ce que son règne n’était marqué par aucune grande calamité, tandis que celui d’Auguste l’avait été par la défaite de Varus, et celui de Tibère par la chute de l’amphithéâtre de Fidènes. Il ajoutait que la prospérité publique menaçait le sien d’oubli, et de temps en temps il souhaitait le massacre de ses armées, la famine, la peste, des incendies et des tremblements de terre.
XXXII. Ses cruautés
(1) La même cruauté qui accompagnait ses paroles et ses actions, ne le quittait pas dans ses délassements, dans ses jeux, et dans ses festins. (2) Souvent, pendant qu’il dînait ou faisait une orgie, on appliquait la question sous ses yeux. Un soldat, habile à décapiter, coupait indifféremment toutes les têtes des prisonniers. (3) À la dédicace du pont qu’il imagina de construire à Pouzzoles, comme nous l’avons dit, il appela près de lui une foule de gens qui étaient sur le rivage, et tout à coup il les jeta tous dans la mer. Quelques-uns saisissaient les gouvernails des navires ; mais il les faisait submerger à coups de rames et d’avirons. (4) À Rome, dans un repas public, un esclave avait détaché d’un lit une lame d’argent. Il le livra sur-le-champ au bourreau, ordonna qu’on lui coupât les mains, qu’on les suspendît à son cou, et qu’on le promenât devant tous les convives, précédé d’un écriteau qui indiquait la cause de son châtiment. (5) Un gladiateur, qui s’exerçait avec lui à la baguette, s’étant laissé tomber volontairement, Caius le perça d’un poignard, et courut, la palme à la main, comme les vainqueurs. (6) Au moment où l’on allait faire un sacrifice, il prit l’habillement de ceux qui égorgent les victimes, et, ayant levé sa massue, il immola le sacrificateur. (7) Dans un splendide festin, il se mit tout à coup à éclater de rire. Les consuls, assis à ses côtés, lui demandèrent avec douceur pourquoi il riait : « C’est que je songe, dit-il, que, d’un signe de tête, je puis vous faire égorger tous deux."
XXXIII. Ses cruautés
(1) Voici quelques-unes de ses plaisanteries. Un jour, étant devant une statue de Jupiter, il demanda à l’acteur tragique, Appelle, lequel des deux lui paraissait le plus grand. Comme l’acteur hésitait à répondre, il le fit battre de verges, et ne cessa de louer sa voix suppliante, qu’il trouvait extrêmement douce jusque dans ses
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