Vies des douze Césars
les toiles qui garantissaient l’assemblée des ardeurs du soleil, et défendait que personne ne sortît. Au lieu des combats ordinaires, il faisait entrer dans le cirque des bêtes épuisées, les gladiateurs les plus vieux et les plus abjects, et même des gladiateurs de rebut, ainsi que des pères de famille connus, mais affligés de quelque infirmité. (9) Quelquefois il faisait fermer les greniers publics et annonçait au peuple une famine.
XXVII. Ses cruautés
(1) Voici les traits les plus marqués de sa barbarie. (2) Comme on achetait fort cher les animaux qui servaient de nourriture aux bêtes destinées au spectacle, il leur fit livrer les criminels. À cet effet, il visita lui-même les prisons, et, sans examiner la cause de la détention de chacun des prisonniers, il se tint sous le portique, et condamna aux bêtes tous ceux qui y étaient renfermés. (3) Un citoyen avait promis de combattre dans l’arène pour les jours de César. L’empereur exigea l’accomplissement de son vœu, il assista au combat, et ne le renvoya que lorsqu’il fut vainqueur, et après beaucoup de supplications. (4) Il livra aux enfants un autre homme qui avait juré de mourir pour la même cause, et qui hésitait à remplir son engagement. On le couronna de rameaux sacrés, on le ceignit de bandelettes, et les enfants lui rappelant son vœu, le promenèrent de quartier en quartier jusqu’à ce qu’il se fût précipité du haut des remparts. (5) Il condamna aux mines, ou aux travaux des chemins, ou aux bêtes, une foule de citoyens distingués, après les avoir flétris d’un fer brûlant. Il y en eut qu’il enferma dans des cages où ils étaient obligés de se tenir à quatre pattes ; il en fit scier d’autres par le milieu du corps. Et pourtant ce n’était pas pour des motifs graves : les uns avaient été mécontents d’un de ses spectacles, les autres n’avaient jamais juré par son génie. (6) Il forçait les pères à assister au supplice de leurs enfants. L’un d’eux s’excusant sur sa santé, il lui envoya sa litière. Un autre venait d’assister à un supplice pareil. Immédiatement après, Caius l’invita à un festin où il déploya toutes sortes de politesses pour l’exciter à rire et à plaisanter. (7) Il fit battre avec des chaînes pendant plusieurs jours de suite l’intendant de ses spectacles et de ses chasses, et n’ordonna sa mort que lorsqu’il se sentit incommodé de l’odeur de sa cervelle en putréfaction. (8) Il condamna à être brûlé au milieu de l’amphithéâtre, l’auteur d’une Atellane, à cause d’un vers qui renfermait une plaisanterie à double sens. (9) Un chevalier romain, exposé aux bêtes, s’étant écrié qu’il était innocent ; sur l’ordre de César, on l’emmena, on lui coupa la langue, et on le ramena au supplice.
XXVIII. Ses cruautés
(1) Il demandait à un citoyen, rappelé d’un long exil, ce qu’il avait coutume d’y faire. Celui-ci répondit pour le flatter : « J’ai toujours demandé aux dieux de faire périr Tibère, et de te donner l’empire. Mon vœu a été accompli. » Alors, persuadé que tous ceux qu’il avait exilés lui souhaitaient la mort, il envoya dans les îles des soldats pour les égorger tous. (2) Voulant faire mettre en pièces un sénateur, il aposta des sicaires pour le traiter d’ennemi public au moment où il entrerait dans le sénat, le percer de coups et le donner à déchirer à la populace. Il ne fut satisfait que lorsqu’il vit entassés devant lui ses membres et ses entrailles qu’on avait traînés dans tous les quartiers de la ville.
XXIX. Ses cruautés
(1) L’atrocité de ses paroles rendait encore plus exécrable la cruauté de ses actions. (2) Il ne trouvait, dans son caractère, rien de plus beau et de plus louable que ce qu’il appelait son inflexibilité. (3) Son aïeule Antonia lui faisait quelques remontrances. Non content de n’y avoir aucun égard : « Souvenez-vous, lui dit-il, que tout m’est permis, et envers tous. » (4) Il allait donner l’ordre de massacrer son frère qu’il soupçonnait de s’être muni de contrepoison : « Quoi, dit-il, un antidote contre César ?» (5) Lorsqu’il exila ses sœurs, il leur dit avec menace « qu’il avait non seulement des îles, mais des glaives. » (6) Un ancien préteur, qui s’était retiré à Anticyre pour sa santé, lui demandait souvent la permission d’y faire un plus long séjour. Il envoya l’ordre
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