Vikings
pourvu d’une rampe en fer forgé ornée de motifs runiques, tandis que les murs de pierre étaient recouverts de tapisseries exaltant des scènes de la mythologie germanique. Au fil du temps et de la montée en force de la SS, plusieurs artistes de renom avaient offert au Reichsführer des statues de glorieux ancêtres allemands. Dans les couloirs du Wewelsburg, Henri I er l’Oiseleur côtoyait Frédéric II de Hohenstaufen, Albrecht l’Ours ou le fameux Frédéric Barberousse.
Le château était doté d’une très riche bibliothèque aux rayons en chêne massif et ses cellules d’essence quasi monacale étaient, elles aussi, ornées de runes. Heinrich Himmler y tenait de fréquentes conférences et avait coutume d’y recevoir autour d’une table ronde douze chefs SS parmi les plus méritants. Pour ceux qui y étaient invités, l’honneur était considérable et pouvait peser lourd dans la suite de leur carrière.
Les architectes, versés dans le mysticisme de l’Ordre Noir, avaient été jusqu’à aménager au centre du château une salle de culte vouée à souder l’esprit de la SS. L’espace comptait douze piliers et son sol était décoré d’une grande roue solaire à douze rayons, le fameux Soleil Noir que vénérait Heinrich Himmler comme la lumière pure du nord, témoin du savoir supérieur de Thulé et force légitime et originelle de l’Europe blanche. Sous la salle était aménagée une crypte où se déroulaient d’authentiques cérémonies religieuses. Le Reichsführer ambitionnait de faire du Wewelsburg un gigantesque centre spirituel et historique après la victoire allemande. Dans son esprit, les bâtiments devaient se prolonger conformément aux rayons de la roue solaire pour dégager la vue vers le nord, vers la fameuse Atlantide perdue.
En sa qualité d’officier de l’Ahnenerbe, Storman figurait parmi les artisans les plus zélés du projet. Il y passait le plus clair de son temps en compulsant des ouvrages savants et en épluchant des rapports secrets. Les membres de l’organisation se livraient à de secrètes expériences pour faire progresser un savoir selon lui honteusement confisqué pendant des siècles par les tenants d’une pensée dangereuse et réductrice. Storman ne doutait pas qu’il était temps de remettre l’homme supérieur à sa juste place et non à celle que lui avaient réservée les séides de Darwin qui le voyaient comme le vulgaire descendant des singes. Pour étayer leurs thèses, la SS disposait de moyens considérables, plus étendus que n’en avait jamais disposé aucun humain depuis les origines de la science. Ils pouvaient non seulement compter sur des moyens financiers, mais aussi sur des ressources humaines inépuisables. Storman avait suivi avec beaucoup d’intérêt les rapports des expériences instructives faites sur les prisonniers de guerre. Il s’agissait par exemple de mesurer leur capacité de résistance au froid en les plongeant dans des cuves glacées. Grâce à ces recherches scientifiques inédites, il serait un jour impossible de nier la suprématie de la race aryenne sur les races inférieures. En digne représentant du Nouvel Ordre, Storman estimait avoir beaucoup de chance de vivre cette grande époque de l’Histoire de l’humanité.
Tandis que toutes ces pensées s’agitaient dans son esprit, il serrait fort contre lui le contenu de sa petite mallette de cuir noir frappée au sceau du double « S » runique exprimant la victoire et de la tête de mort héritée des anciens hussards royaux. La voiture s’arrêta devant le perron et il en sortit d’autant plus vite qu’une silhouette bien connue était venue l’accueillir.
— Obersturmbannführer s’exclama-t-il. Ne vous donnez pas cette peine, j’allais venir vous voir dans votre bureau.
— Mon cher Ludwig, répondit Wolfram Sievers en souriant, cela me fait du bien de sortir quelques minutes le nez de mes dossiers. Par ailleurs, depuis que j’ai appris votre venue, je vous confesse que mon impatience était extrême. Votre message était, comment dirais-je..., tellement sibyllin.
Les deux hommes se serrèrent fraternellement la main et s’engouffrèrent dans le château. Deux gardes noirs les saluèrent et le ton sec de leurs bottes heurtant le sol de marbre apporta un sentiment de réconfort à Storman. Il se sentait revenu chez lui, parmi les siens. Sievers poursuivait sa conversation :
— Mais vous avez fait un long voyage, peut-être
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