Vikings
peu à peu intéressé. Comme tous ceux qui les rejetaient avec violence, il était très sensible aux superstitions et aux prédictions. Robert avait senti le changement d’attitude du souverain, mais il prenait garde de ne pas laisser apparaître sa satisfaction. Le monarque qui s’était assis en face de son baron se leva et commença à marcher dans la pièce en décrivant un large cercle. C’était toujours chez lui signe d’intense réflexion et même d’hésitation. Après un long moment, il finit par dire :
— Je n’apprécie guère cette histoire de Thor opposé au Christ. Nous savons que toutes ces fadaises ne sont que superstitions et diableries, mais notre conviction ne nous dispense pas de la plus élémentaire prudence. Nous devons dès lors mettre la main sur ce que ces sauvages appellent « l’Arme de Dieu ». Et peu importent les moyens.
— Une pareille entreprise se révélera très difficile, répondit le marquis en fronçant les sourcils. Certes, les Vikings sont affaiblis, mais de là à pénétrer leur camp et à voler leur chef, le pari me paraît audacieux.
— Qu’on leur envoie donc cette dame Geneviève ! s’écria le Roi, très content d’avoir trouvé une solution facile à un problème à première vue complexe.
— La jeune fille a déjà fait beaucoup pour nous, lâcha Robert afin de tempérer l’enthousiasme royal. À mes yeux, elle ne possède pas l’étoffe nécessaire pour mener à bien ce genre de mission délicate.
Le monarque parut contrarié, au point d’interrompre sa ronde dans la pièce. Il serra les poings et dévisagea son baron.
— Alors, fit-il avec ironie, toi qui as toujours réponse à tout, quelle solution me conseilles-tu ?
— Sire, répondit alors le marquis qui sentait que le moment était venu de dévoiler son plan, la victoire de Chartres n’est qu’un répit. Nous savons que les hommes du Nord reviendront, cette fois plus forts, plus nombreux et probablement mieux armés. Il est peut-être temps de composer véritablement avec notre ennemi, de le calmer définitivement.
— En achetant la paix comme le fit mon ancêtre ? demanda le Roi dans une moue dubitative. Cela ne les a pas empêchés de revenir. Et puis, les caisses du royaume sont vides et je doute que de nouveaux impôts soient les bienvenus.
Robert plia le parchemin et répondit avec une désarmante simplicité.
— Non, il suffit de faire d’une partie de la terre de France une terre viking. Et au passage, vous ferez de Hròlfr un de vos fidèles vassaux.
Cette fois, Charles ne songeait même plus à arpenter la pièce. Il se demanda un long moment s’il n’avait pas mal entendu la proposition saugrenue qui venait de lui être faite.
Livre Cinquième
U N LARGE CERCLE s’était créé devant la tente du chef. Les membres les plus éminents de la communauté s’étaient pressés dans l’assemblée depuis le crépuscule. Les hommes avaient allumé de hautes torches et commencé à remplir les cornes de bière et d’hydromel. Des jeunes femmes aux longues tresses blondes apportaient du pain d’orge et du poisson grillé.
Skirnir le Roux fit une apparition qu’il voulut discrète, mais il avait du mal à dissimuler sa satisfaction. Il avait tellement oeuvré pour convoquer cette réunion du Thing et voilà que le grand conseil allait enfin avoir lieu. C’était donc bien à sa propre victoire qu’il se préparait à assister.
Skirnir ne souhaitait pas la chute de Hròlfr le Marcheur, en tout cas, pas encore. Il voulait seulement lui rappeler ses obligations et les antiques coutumes auxquelles il devait se conformer. Sans aucun doute, le Thing offrirait au peuple viking une nouvelle fierté et contraindrait leur chef à rester fidèle à ses valeurs séculaires. La bière aidant, les esprits étaient déjà bien échauffés lorsque Hròlfr sortit de sa tente. Sans jeter un regard sur l’assistance, le chef alla s’asseoir sur son siège de bois décoré de bois de renne et tendit sa corne pour se faire servir de la bière. Skirnir était mécontent de cette entrée en matière qui manquait de solennité. Dès lors, il s’approcha du chef avec une emphase qui ne lui était pas coutumier et répéta les paroles rituelles.
— Chef, les hommes libres de ton peuple se sont réunis en Thing afin de juger de la conduite à tenir dans la poursuite de notre combat. Écoute leur jugement et avec l’aide de nos dieux, tu prendras la juste décision qui
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