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Voltaire

Voltaire

Titel: Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Maurois
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contrats, de lettres de change, de billets à terme, d'effets de gouvernement. Il eût été difficile sans doute de trouver dans le portefeuille d'aucun homme de lettres autant de manuscrits de cette espèce. »
    La bastonnade et l'exil ne l'avaient pas guéri de son goût pour la société des grands. Il aimait tant la vie qu'il en voulait jouir sous toutes ses formes. Un peu plus tard il a peint, dans un poème qu'il appela le Mon dain,le bonheur de vivre et le goût de la volupté qui étaient alors ses sentiments dominants :
    Tout les goûts à la fois sont entrés dans mon âme,
    Tout art a mon hommage et tout plaisir m'enflamme.

    Science, histoire, poésie, opéra, soupers, sagesse, il aimait tout, il désirait tout. En particulier il était fou de théâtre. L'Angleterre lui avait donné sur cet art des idées nouvelles et il souhaitait de les appliquer sur la scène française. Non qu'il fût converti à Shakespeare; il était trop Français de son temps pour accepter tout Shakespeare. Mais parmi « tant de fautes grossières », il avait entrevu des beautés. Tout en maintenant la règle des trois unités, ne pourrait-on écrire en France des tragédies dont l'action serait plus vive? Ne pourrait-on même (grande audace) faire voir quelques-unes de ces actions sur la scène, au lieu de les exposer dans un récit? Dès son retour, en 1730, il essaya d'écrire une tragédie sur un sujet politique. Ce fut un Brutus. Il le fit répéter avec son habituelle ardeur, criant à l'acteur qui jouait Brutus : « Morbleu ! monsieur, souvenez-vous donc que vous êtes Brutus, le plus ferme de tous les consuls de Rome, et qu'il ne faut point parler au dieu Mars comme si vous disiez : "Ah ! ma bonne Vierge, faites-moi gagner un lot de cent francs à la Loterie." »
    Brutus réussit. Deux ans plus tard, Zaïre fut un triomphe. C'était, comme tout ce que Voltaire donnait au théâtre, un mélange d'un peu d'audace avec beaucoup de prudence. Il avait, en construisant son intrigue, pensé à l' Othello de Shakespeare, et transporté le sujet dans un décor différent, parmi les chevaliers français et les Rois de Jérusalem. Le jeu violent des acteurs, dressés par Voltaire, et alors nouveau, explique en partie leprodigieux succès. Sans doute aussi le public trouvait-il, dans ces scènes qui nous semblent si froides, les premiers et lointains appels du romantisme.
    Vers le même temps, Voltaire avait publié une Histoire de Charles XII qui avait beaucoup plu. Le public s'indignait qu'il ne fût pas de l'Académie. Si les ministres et la Cour l'avaient alors laissé vivre en paix, il n'eût été toute sa vie qu'un auteur dramatique à la mode.

VII
    Lettres philosophiques
    Déjà, en 1731, il avait dû s'exiler à nouveau. Adrienne Lecouvreur était morte; c'était une grande actrice que Voltaire admirait. Or l'Eglise refusait la sépulture religieuse aux comédiens. On dut enterrer Mlle Lecouvreur au bord de la Seine, dans un terrain vague. Voltaire indigné, suivit le convoi, puis protesta :
    Ah ! verrai-je toujours ma faible nation,
    Incertaine en ses vœux, flétrir ce qu'elle admire,
    Nos mœurs avec nos lois toujours se contredire.
    Et le Français volage endormi sous l'empire
    De la superstition ?
    Quoi ! n'est-ce donc qu'en Angleterre
    Que les mortels osent penser ?
    O rivale d'Athène ! ô Londre ! heureuse terre !
    Ainsi que les tyrans vous avez su chasser
    Les préjugés honteux qui vous livraient la guerre.
    C'est là qu'on sait tout dire, et tout récompenser ;
    Nul art n'est méprisé, tout succès a sa gloire.
    Le vainqueur de Tallard, le fils de la Victoire,
    Le sublime Dryden, et le sage Addison,
    Et la charmante Ophils, et l'immortel Newton
    Ont part au temple de mémoire :
    Et Lecouvreur à Londre aurait eu des tombeaux
    Parmi les beaux esprits, les rois et les héros.

    « Cette apothéose d'une fille de théâtre passa pour une impiété horrible. » Voltaire prit la fuite et se réfugia dans un village de Normandie. Bientôt on imprimait à Rouen, secrètement, des Lettres Philosophiques sur les Anglais. C'était un curieux ouvrage, aussi important par ses effets que léger par son texte. On ne pouvait dire que le livre fût profond, ni qu'il fût merveilleusement informé. Mais il atteignit le but que se proposait son auteur : faire connaître aux Français ce qui, dans cette Angleterre presque inconnue d'eux, pouvait les faire réfléchir sur les défauts de leurs propres institutions, et transformer

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