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Voltaire

Voltaire

Titel: Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Maurois
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pas ; il voulait des titres ; il en eut. Il fut nommé gentilhomme ordinaire et historiographe du roi. On lui ouvrit les archives pour qu'il écrivît l'histoire des campagnes de Louis XV. Il prit goût à ce métier d'historien officiel.
    Il avait jadis essayé sans succès (au moment de la mort du cardinal Fleury) d'entrer à l'Académie Française. Les « dévots » l'avaient alors fait échouer. Il entreprit de les apaiser. Il écrivit une lettre au Père de La Tour, « où il protestait de son respect pour la religion et de son attachement aux Jésuites ». « Malgré l'adresse avec laquelle il ménage ses expressions dans cette lettre, dit Condorcet, il valait sans doute mieux renoncer à l'Académie que d'avoir la faiblesse de l'écrire. » Enfin Mme de Pompadour lui fit confier la composition du divertissement pour le mariage de l'Infante, et l'Académie fut la récompense de cet ouvrage.
    Mon Henri IV et ma Zaïre,
    Et mon Américaine Alzire
    Ne m'ont jamais valu un seul regard du Roi.
    J'eus beaucoup d'ennemis avec très peu de gloire.
    Les honneurs et les biens pleuvent enfin sur moi
    Pour une farce de la foire.

    Les dévots lui reprochaient encore son Mahomet. Il envoya adroitement sa tragédie au pape Benoît XIV, « pontife éclairé et raisonnable », qui répondit que Mahomet était une « bellissima tragedia », qu'il l'avait lue « con summo piacere » et lui envoya des indulgences et l 'apostolica benedizione. Après cela il ne restait plus à l'Académie qu'à le nommer, ce qu'elle fit.
    Les places n'apportèrent pas le bonheur à Voltaire. La faveur des Rois est mobile, mais non point leur défaveur, et Louis XV n'aima jamais Voltaire. Le Roi avait trop d'esprit pour ne pas craindre celui des autres et les philosophes lui apparaissaient déjà comme les ennemis de sa couronne en un temps où beaucoup de ses courtisans les vénéraient imprudemment. Le jour de la représentation à Versailles du Temple de la Gloire, où le poète avait voulu peindre le Roi sous les traits de l'Empereur Trajan, Voltaire, qui se trouvait près de la loge royale, s'approcha vers la fin de la pièce et dit assez haut : « Trajan est-il content? » Louis XV se tourna vers lui, le regarda fixement et ne répondit rien. Ces familiarités lui déplaisaient.
    Il y eut des incidents plus graves. Un jour que Voltaire et Mme du Châtelet se trouvaient ensemble au jeu de la Reine, Mme du Châtelet perdit beaucoup. Voltaire, à mi-voix et en anglais, lui dit qu'elle jouait avec des fripons et qu'elle devait s'en aller immédiatement. Une discussion, blessante pour les personnes présentes, s'engagea entre les deux vieux amants persuadés, comme le sont tant de Français, que dès qu'on parle une langue étrangère, on n'est plus compris de personne. Mais bientôt, aux remous de foule et aux propos qu'ils entendent, ils voient qu'ils ont été écoutés. Aussitôt la terreur s'empare d'eux. Voltaire évoque la Bastille. Mme du Châtelet se voit privée de son idole. Dans la nuit, ils font demander leur carrosse et s'enfuient jusqu'à Sceaux, chez Mme la duchesse du Maine.
    Cette « cour d'opposition » était un refuge. Le duc du Maine, fils naturel de Louis XIV et de Mme de Montespan, avait épousé la petite-fille du Grand Condé, jeune femme presque naine mais « curieuse, hardie, impérieuse et fantasque ». Elle avait rêvé pour sontimide mari la toute-puissance et le couple avait formé de grands espoirs au moment de la mort de Louis XIV qui, en effet, par son testament, avait souhaité favoriser le duc du Maine. Mais la haine de la Cour les avait écartés du pouvoir.
    La duchesse s'était consolée en se faisant une petite cour de philosophes et de gens d'esprit dans son vallon de Sceaux. Elle avait de la culture, parlait bien, échangeait de petits vers galants avec ceux qu'elle appelait « ses bergers de Sceaux ». Avec eux, elle se donnait l'illusion du pouvoir. Ce fut dans cette cour que Voltaire et Mme du Châtelet vinrent s'établir à l'improviste. Mme de Staal-Delaunay nous a décrit leur arrivée : « Ils parurent sur le minuit comme deux spectres, avec une odeur de corps embaumés qu'ils semblaient avoir apportée de leur tombeau. On sortait de table. C'étaient pourtant des spectres affamés. Il leur fallut un souper et, qui plus est, des lits qui n'étaient pas préparés. »
    Ils étaient des hôtes exigeants. On ne les voyait pas jusqu'à dix heures du soir, car ils passaient le jour, l'un à écrire un

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