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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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savoir. Sans doute trouverait-on même dans mes Cahiers d’André Walter telles pages que l’on dirait inspirées directement par l’Évolution Créatrice, si les dates permettaient de le croire. Je me méfie beaucoup d’un système qui vient à point pour répondre aux goûts d’une époque et doit une partie de son succès à ce qu’il offre de flatteur.
    21 septembre.
     
    Traité de la Concupiscence. Rien à en retenir que précisément ce que Bossuet considérait comme la qualité la plus vaine, de sorte qu’il en va à rencontre de son affirmation.
    Je le sais de reste, et pour m’être souvent prêté à ce jeu : il n’est rien, dans la vie d’un peuple, aussi bien que dans notre vie particulière, qui ne puisse prêter à une interprétation mystique, téléologique, etc. où l’on ne puisse reconnaître, si l’on y tient vraiment, l’action contrebattue de Dieu et du démon ; et même cette interprétation risque de paraître la plus satisfaisante, simplement parce qu’elle est la plus imagée. Tout mon esprit, aujourd’hui, se révolte contre ce jeu complaisant qui ne me paraît pas très honnête. Au demeurant la langue de ce « traité » est des plus belles et Bossuet ne s’est montré nulle part meilleur écrivain ni plus grand artiste.
    22 septembre.
     
    Pluie presque sans arrêt depuis deux jours. Le Largeau s’est arrêté cette nuit devant Bobolo, sur la rive belge ; poste à bois et briquetterie.
    Arrivés ce matin à Impfondo, à huit heures. Une longue et belle avenue s’élargit en jardin public le long du rivage. En amont et en aval, villages indigènes ; cases minables et délabrées ; mais toute la partie française du moins est riante, bien ordonnée et d’aspect prospère. Elle laisse entrevoir ce que pourraient des soins intelligents et continus. M. Augias, l’administrateur, en tournée, ne doit arriver que demain. Les alentours d’Impfondo sont beaux ; criques au bord du fleuve, où s’abritent des pirogues ; inattendues perspectives des jeux de la terre et de l’eau. Sitôt ensuite, la forêt prend un plus grand air. Mais il faut bien avouer que cette remontée de l’Oubangui est désespérément monotone.
    Le ciel est très couvert, sans être bas. Depuis trois jours il pleut fréquemment ; pluie fine que le vent promène ; puis, par instants, averse épaisse. Et rien n’est plus triste que le lever d’un de ces jours pluvieux. Le Largeau avance avec une lenteur désespérante ; nous devions coucher à Bétou ; par suite de la mauvaise qualité du bois de chauffage, nous n’yarriverons sans doute que demain vers midi. Les postes à bois, non surveillés, ne nous livrent qu’un bois pourri. L’insuffisance de personnel se fait partout sentir. Il faudrait plus de sous-ordres. Il faudrait plus de main-d’œuvre. Il faudrait plus de médecins. Il faudrait d’abord plus d’argent pour les payer. Et partout les médicaments manquent. Partout on se ressent d’une pénurie lamentable qui laisse triompher et s’étendre même les maladies dont on pourrait le plus aisément triompher. Le service de santé, si l’on réclame des remèdes, n’envoie le plus souvent, avec un immense retard, que de l’iode, du sulfate de soude, et de… l’acide borique {12}  !
    On rencontre, dans les villages le long du fleuve, bien peu de gens qui ne soient pas talés, tarés, marqués de plaies hideuses (dues le plus souvent au pian). Et tout ce peuple résigné rit, s’amuse, croupit dans une sorte de félicité précaire, incapable même d’imaginer sans doute un état meilleur.
    Arrêt à Dongou pour la nuit. C’est à Dongou qu’on a transporté le poste administratif d’Impfondo. Nous débarquons à la tombée du jour. Il y a là, devant des habitations d’Européens disposées de manière à se faire face, et les séparant mais sans les isoler suffisamment, une sorte de jardin public. Des orangers en avenue plient sous le poids des oranges vertes (car, ici, même les oranges et les citrons perdent leur couleur, leur éclat, pour se confondre dans une sombre verdure uniforme). Les arbres sont encore jeunes, mais ce jardin pourra devenir très beau dans quelques années. En face du débarcadère, un écriteau porte : « Impfondo ; 45 kilomètres ». La route qui y mène se prolonge dans l’autre sens jusqu’au village indigène où nous nous rendons à la nuit.
    23 septembre.
     
    La forêt change un peu d’aspect ; les arbres sont plus

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