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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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femmes, s’empressent vers la ville, portant sur la tête les produits de leur lointain village : manioc, farine de mil, on ne sait, dans de grands paniers recouverts de feuilles. Tous ces gens, à notre passage, se mettent au port d’arme et font le salut militaire, puis, pour peu qu’on leur réponde, poussent des grands cris et des éclats de rire. Si j’agite ma main vers des enfants, en traversant un des nombreux villages, c’est un délire, des trépignements frénétiques, une sorte d’enthousiasme joyeux. Car la route, au sortir de la forêt, s’engage dans une région très cultivée, où tout semble prospère, où le peuple paraît heureux.
    Nous nous arrêtons pour déjeuner, à l’extrémité d’un des plus importants villages, dans la case des passagers {14} , et bientôt, tout le long de la balustrade qui ceinture la case, le troupeau des enfants se rassemble ; j’en compte quarante. Ils restent à nous regarder manger, comme la foule, au Jardin d’Acclimatation, se presse pour assister au repas des otaries. Puis, peu à peu, encouragés par nous, ils s’enhardissent, envahissent l’enceinte, et viennent se grouper contre nous. L’un deux, qui s’agenouille devant ma chaise, porte une grande plume au sommet de la tête, à la manière des Mohicans.
    Avant le déjeuner, nous avions été, sous un soleil de feu, jusqu’à un autre village, dépendant du premier, le touchant presque, dans une clairière de la forêt : village si beau, si étrange qu’il nous semblait trouver ici la raison de notre voyage, entrer au cœur de son sujet.
    Et, peu de temps avant la halte, il y avait eu un étonnant passage de rivière. Un peuple de noirs était sur la berge ; en face, sur l’autre rive, un autre peuple attendait. Trois grandes pirogues conjuguées forment bac ; sur le plancher qui les rejoint, les deux autos s’installent. Un câble de métal, dont s’emparent les nautoniers, est tendu d’une rive à l’autre et permet de résister à la violence du courant.
    Les chutes de la M’Bali, si l’on était en Suisse, d’énormes hôtels se seraient élevés tout autour. Ici, la solitude ; une hutte, deux huttes au toit de paille, où nous allons coucher, ne déparent pas la sauvage majesté du pays. À cinquante mètres de la table où j’écris, la cascade, grand rideau vaporeux qu’argente la clarté de la lune entre les branches des grands arbres.
    Bouali, 29 septembre.
     
    Première nuit dans le lit de camp, où l’on dort mieux que dans aucun autre. Au lever du soleil, la chute d’eau, que dore le rayon oblique, est de la plus grande beauté. Un vaste îlot de verdure divise le courant et l’eau forme vraiment deux cascades, disposées de telle sorte qu’on ne les puisse contempler à la fois. Et l’on reste surpris lorsqu’on comprend que celle que l’on admire ne doit sa majesté, son ampleur, qu’à la moitié des eaux du fleuve. Celle que l’on découvre ens’approchant du bord, et que cachait un repli des roches, reste dans l’ombre et comme enfouie à demi sous l’abondance de la végétation. Arbustes et plantes d’aspect, à vrai dire, fort peu exotique et, sans un étrange îlot de pandanus aux racines aériennes, un peu en amont de la chute, rien ne rappellerait ici qu’on est presque au cœur de l’Afrique.
    Soir du même jour. Bangui.
     
    Retour sans autre épisode qu’une tornade, qui nous surprend heureusement tandis que nous achevions de déjeuner au même poste et aussi agréablement que la veille. Le vent subit abat un petit arbre près de nous. Pluie diluvienne pendant près d’une heure, que nous occupons à organiser des jeux avec le peuple d’enfants qui nous entoure. Exercices de gymnastique, chants et danses. Tout se termine par un grand monôme. J’oubliais de dire que d’abord il y avait eu des baignades sous la pluie qui ruisselait du toit, de sorte que les premiers exercices avaient pour but de réchauffer les enfants un peu transis au sortir de la douche.
    Bangui, 30 septembre.
     
    Départ de M me  de Trévise avec le docteur Bossert. Ils vont expérimenter, dans la région de Grimari, l’action préventive du « 309 Fourneau », sur la maladie du sommeil. Le Gouverneur Lamblin nous propose une tournée en auto, de deux semaines {15} . La région très cultivée, que nous nous proposons de retraverser plus tard à pied, il souhaite que nous la voyions avant la récolte, de manière à mieux juger de sa prospérité. Il ne

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