Voyage au Congo
berge est haute d’une quinzaine de mètres.
Le cours de l’Oubangui devient beaucoup plus rapide, et la marche du Largeau en est d’autant retardée. De très beaux arbres ne parviennent pas à rompre la monotonie de la forêt riveraine. Nous apercevons dans les branches quatre singes noir etblanc, de ceux qu’on appelle, je crois, des « capucins ».
Je relis le Master of Ballantrae.
Il y a chaque jour, entre une et quatre, quelques heures assez pénibles ; mais nous lisons, dans le paquet de journaux que nous prête le commandant, qu’on a eu jusqu’à 36 degrés à Paris, à la fin de juillet.
La belle demi-lune, comme une coupe au-dessus du fleuve, verse sur les eaux sa clarté. Nous avons accosté au flanc d’une île ; le projecteur du navire éclaire fantastiquement le maquis. La forêt vibre toute d’un constant crissement aigu. L’air est tiède. Mais bientôt les feux du Largeau s’éteignent. Tout s’endort.
26 septembre.
Nous approchons de Bangui. Joie de revoir un pays dégagé des eaux. Les villages, ce matin, se succèdent le long de la rive, d’aspect moins triste, moins délabrés. Les arbres, dont plus aucun taillis ne cache la base, paraissent plus hauts. Bangui, qu’on aperçoit depuis une heure, s’étage jusqu’à mi-flanc de la très haute colline qui se dresse devant le fleuve et incline son cours vers l’est. Maisons riantes, à demi cachées par la verdure. Mais il pleut, une pluie qui va bientôt devenir diluvienne. Les paquets sont faits, les cantines sont refermées. Dans un quart d’heure nous aurons quitté le Largeau.
CHAPITRE III – En automobile
10 heures.
M. Bouvet, chef de cabinet, monte à bord pour nous saluer de la part du Gouverneur qui nous attend à déjeuner. Laissant nos bagages aux soins de notre boy Adoum, nous prenons place dans deux autos et, sous la pluie qui ne cesse pas, l’on nous mène aux deux cases qui nous ont été réservées. Celle de M me de Trévise est charmante ; la nôtre, très agréable, vaste et bien aérée. J’écris ces lignes tandis que Marc est allé s’occuper de notre bagage. Dans un grand fauteuil de jonc, près d’une fenêtre ouverte, je regarde l’averse noyer le paysage ; puis me replonge dans le Master of Ballantrae.
28 septembre.
Très réconfortante conversation avec le Gouverneur Lamblin, qui nous invite à prendre avec lui tous nos repas. Combien me plaît cet homme modeste, dont l’œuvre admirable montre ce que pourrait obtenir une administration intelligente et suivie.
Visite aux villages du bord du fleuve, en aval de Bangui. Je regarde longuement la préparation de l’huile de palme, cette première huile qu’on extrait de la pulpe ligneuse. Une autre huile {13} sera plus tard extraite de l’amande, après écrasement du noyau. Mais d’abord il s’agit de séparer celui-ci de la pulpe qui l’enveloppe. Pour cela l’on fait bouillir la graine, puis on la pile dans un mortier, avec le manche du pilon qui offre si peu de surface que la coque dure fuit de côté tandis que son enveloppe froissée se détache. Elle forme bientôt une étoupe couleur safran qui, pressée entre les doigts, laisse échapper son huile. Les femmes qui se livrent à ce travail se récompensent en chiquant le tourteau. Tout cela n’est pas bien intéressant à dire (encore que fort intéressant à observer) ; j’abandonne le reste aux manuels.
Partis en auto ce matin à 9 heures pour les chutes de la M’Bali. Une camionnette nous accompagne, avec notre attirail de couchage, car nous ne devons rentrer que le lendemain. M me de Trévise, que sa mission appelait à Bambari, a obtenu, pour nous accompagner, que son départ soit remis de deux jours. Route admirable ; ce mot revient souvent sous ma plume, surtout après une nuit de bon sommeil. Je me sens le cœur et l’esprit légers, point trop bête, et tout ce que je vois me ravit. La route s’enfonce bientôt sous une futaie très haute, spacieuse. Le tronc des arbres, que n’engonce plus le taillis, apparaît dans toute sa noblesse. Ils sont extraordinairement plus grands que nos arbres d’Europe. Nombre d’entre eux portent, au point d’épanouissement de leur ramure – car le fût s’élance sans branche aucune et d’un seul jet jusqu’au couronnement de verdure – d’énormes fougères épiphytes vert pâle, semblables à des oreilles d’éléphant. Tout le long de la route, des groupes d’indigènes, hommes et
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