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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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et se montrent extrêmement surpris, presque émus, lorsque je leur donne un pata (cinq francs) à chacun. Ils racontent que voici quatre jours, ils ont été de nouveau brimés par les gens du chef de canton Kayala Korami, qui se sont emparés de cabris, ont « amarré » un homme et l’ont roué de coups de chicotte.
    (Ces 30 ou 35 francs d’impôt, retombant sur un seul, sont peut-être dus également au bétail qu’il possède – imposé à raison de un franc par bœuf.)
    Pris quelques notes sur la question des frais de douane pour les bœufs vendus en Nigéria (obligation d’aller régler les droits de douane à Maho à vingt jours de marche environ) et la réquisition du bétail par l’administration qui ne peut le payer que le tiers ou le quart de sa valeur.
     
    Nous continuons de naviguer entre les îles. Toutes pareilles. Je ne puis comprendre comment le capitaine s’y reconnaît. Comme, à présent, nous avons la libre disposition du bateau, déchargé de ses caisses (télégraphie sans fil, vin, farine et fournitures diverses à destination de Fada et de Faya) – non pressés par le temps, nous demandons que l’on nous mène vers les îles peuplées. De nouveau le d’Uzès s’arrête dans les papyrus et les buissons. Il est cinq heures. Nous nous dirigeons vers le centre de l’île. Quantité de crottes de cabris et de bœufs ; celles des bœufs ne sont pas très récentes. Après un quart d’heure de marche, un village assez important, mais complètement désert. Même pas une infirme abandonnée comme dans celui de ce matin. Mais au loin nous apercevons les taches blanches d’un troupeau de chèvres et nous marchons dans leur direction. La végétation change brusquement. C’est sur la lisière d’un bois de mimosas assez touffu que se tiennent les chèvres. Elles font des taches claires mouvantes dans l’entrelacs des branches, où pénètre l’oblique rayon du soleil couchant. Le troupeau est dispersé sur un grand espace, à demi enfoncé dans le bois. Il y a peut-être quatre ou cinq cents bêtes. Elles s’acheminent toutes dans la même direction, que nous prenons également, nous laissant guider par elles. Et voici bientôt en effet deux cases perdues en pleine brousse. Mon coup de fusil, qui vient de tuer une pintade, a fait surgir un vieil indigène ; il s’amène à notre rencontre, les mains levées. Avec lui un grand adolescent très décemment vêtu d’un boubou bleu, une femme et deux très jeunes enfants. Le type auboubou accepte de nous guider à travers les bahrs jusqu’à l’île où les indigènes des villages disséminés sont rassemblés momentanément autour du chef de canton (plus précisément : de son fils) venu pour recueillir l’impôt. Il est déjà tard. Le soleil se couche. Pas un souffle ; les étendues d’eau sont lisses. La nuit est close depuis longtemps déjà lorsque nous jetons l’ancre. Le village n’est pas loin et nous nous y rendons avec Adoum et Idrissa-Sindbad – précédés de notre pilote qui porte une lanterne-tempête. Voici venir le chef de canton (ou du moins son fils – celui-là même qu’on accuse de sévices et d’exactions). Il a une sale bobine ; le nez crochu, ce qui est particulièrement déplaisant pour un visage noir – l’œil égrillard et les lèvres pincées. Plus que poli ; presque obséquieux. Nous le quittons bientôt en promettant de revenir le lendemain. Cette reconnaissance nocturne n’a eu d’autre but que d’apprivoiser un peu les gens, les enfants en particulier, à qui nous distribuons quantité de piécettes. Ceux-ci n’ont plus, dans ces régions avoisinant le Tchad, le ventre énorme de ceux de l’Oubangui ; mais leurs mains et leurs pieds sont souvent hideusement déformés ; la paume des mains devient alors comme spongieuse, et le dos squameux.
    De retour à bord, après le repas, nous nous apprêtions déjà pour la nuit, lorsque Adoum vint nous dire que cinq indigènes s’étaient présentés tout à l’heure, désireux de nous faire des « clamations » (réclamations), à qui le capitaine venait de dire de repasser demain matin. Nous souvenant de Samba N’Goto, et pensant que ces confidences nocturnes risqueraient d’être perdues pour toujours, nous envoyâmes en grande hâte Sindbad à la poursuite des plaignants, les invitant à revenir. Puis, dans l’attente, nous nous mîmes à lire, à l’insuffisante clarté du photophore (Mark Rutherford et le Second Faust). Un

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