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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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perdu ; à moins qu’il n’ait d’abord essayé d’un des bras du Chari, bientôt reconnu impraticable… toujours est-il que, de nouveau, nous devons mettre cap au Nord.
    Enfin nous revoici dans des eaux courantes. D’abord rien que touffes de grands roseaux, le terrain se relève lentement. Énormes termitières.
    Nous avons longé la rive gauche (Cameroun) qui, presque soudain, s’est couverte d’une forêt point très haute, mais extraordinairement touffue. La voûte des arbres énormes et largement étalés était opaquement tapissée de lianes. Cela ne ressemblait à rien de ce que nous avions vu jusqu’à présent. J’aurais donné je ne sais quoi pour pénétrer sous ces mystérieux ombrages – et rien n’était plus simple que de dire au capitaine de s’arrêter, puisqu’il était convenu que nous disposions à notre gré du navire. Précisément l’on passa devant plusieurs points, dépouillés de roseaux, où l’atterrissage eût été des plus faciles. Qu’est-ce qui m’a retenu de donner ordre ? La crainte de déranger les plans ; la crainte de je ne sais quoi ; mais surtout l’extrême répugnance que j’ai de faire prévaloir mon désir, de faire acte d’autorité, de commander. J’ai laissé passer le bon moment, et lorsque enfin je consulte le capitaine, la forêt s’écarte et un grandissant matelas de roseaux la sépare du bord du fleuve. Le capitaine, qui du reste a besoin de faire du bois, parle d’une autre forêt prochaine. La voici déjà. Nous accostons. La berge argileuse forme falaise, mais pas si haute qu’à l’aide de quelques racines nous ne puissions l’escalader. Marc emporte le Holland and Holland, arme admirable qu’a bien voulu nous prêter Abel Chevalley, et moi, avec le fusil, abondance de cartouches de tous calibres. Adoum nous suit. La forêt, hélas ! est beaucoup moins épaisse et sombre que tantôt. Plus, ou presque plus de lianes ; les arbres sont moins vieux ; les sous-bois moins mystérieux. Et ce que nous voyons ici me fait regretter plus encore ce que nous avons manqué tout à l’heure. Quantité d’arbres inconnus ; certains énormes ; aucun d’eux n’est sensiblement plus haut que nos arbres d’Europe, mais quelles ramifications puissantes, et combien largement étalées ! Certains présentent un fouillis de racines aériennes entre lesquelles il faut se glisser. Quantité de ronces-lianes, aux dards, aux crocs cruels ; un taillis bizarre, souvent sec et dépouillé de feuilles, car c’est l’hiver. Ce qui permet de circuler pourtant dans ce maquis, c’est l’abondance incroyable des sentes qu’y a tracées le gibier. Quel gibier ? On consulte les traces ; on se penche sur les fumées. Celles-ci, blanches comme le kaolin, sont celles d’une hyène. En voici de chacal : en voici d’antilope-Robert ; d’autres de phacochères… Nous avançons comme des trappeurs, rampant presque, les nerfs et les muscles tendus. J’ouvre la route et me crois au temps de mes explorations d’enfant dans les bois de La Roque ; mes compagnons me suivent de près, car il n’est pas très prudent de nous aventurer ainsi avec un seul fusil à balles. Par moments, cela sent furieusement la ménagerie. Adoum, qui s’y connaît, nous montre sur une aire de sable des traces de lion, toutes fraîches ; on voit que le fauve s’est couché là ; ces demi-cercles ont été tracés par sa queue. Mais plus loin, ces autres traces sont certainement celles d’une panthère. Nous arrivons, au pied d’un tronc d’arbre mort, devant une excavation énorme, aboutissant à une bouche de terrier si vaste qu’Adoum s’y glisse jusqu’à mi-corps. Il ne le fait, il va sans dire, qu’avec prudence, car il commence par nous dire que c’est le gîte de la panthère ; et effectivement cela sent le fauve à plein nez. L’on voit tout auprès quantité de plumes de divers oiseaux que la panthère a dévorés. Je m’étonne pourtant que la panthère ait un terrier. Mais, tout à coup, Adoum se récrie : Non ! ce n’est pas une panthère ; c’est un animal dont il ne sait pas le nom. Il est extrêmement excité. Il cherche à terre, et nous montre enfin, triomphant, un grand piquant de porc-épic. Ce n’est pourtant pas un porc-épic qui a dévoré ces volailles… Un peu plus loin je fais lever une grande biche rousse, tachée de blanc. Puis quantité de pintades, que je rate ignominieusement. Je voudrais bien savoir ce qu’étaient ces

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