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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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sergent. C’est un officier qu’il faudrait à Bol. Je n’en puis plus. » Et tout, dans ses moindres propos, respire la franchise et l’honnêteté. J’ai pris note par ailleurs des quelques renseignements qu’il nous donne sur la disette menaçante et le prix des denrées, du mil en particulier, dont les indigènes de Bol sont tenus de fournir dix tonnes {81}  ; dont ils manquent, et qu’ils sont forcés d’aller chercher à trois jours de distance (et plus) et d’acheter aux Bournous trois et quatre francs le « tonnelet » de 20 kilos, que l’administration ne leur paiera qu’un franc cinquante.
    Il nous parle également du recensement périmé, qui date de quatre ans ; d’après lequel sont taxés les villages, dont les habitants continuent à payer pour les morts (très nombreux par suite de la récurrente) et les fugitifs dont le nombre s’accroît chaque année, de sorte qu’il risque de ne rester bientôt plus que les vieux, les impotents et infirmes, les niais, qui devront supporter, de par le fait des morts et des désertions, triple et jusqu’à quadruple charge, à payer pour les morts et les absents. (De même pour le cheptel.)
    « Si le recensement était refait, dit-il, si chaque village était taxé d’après le nombre réel et actuel de ses habitants, il serait on ne peut plus facile de faire rentrer l’impôt, qui n’a rien d’excessif et que chaque indigène consentirait volontiers à payer. Personne ne songerait plus à s’enfuir {82} . »
     
    Ces énormes champs de papyrus sont flottants, sont mobiles. Vienne à souffler le vent, ils se déplacent, touffe après touffe, qu’on voit se détacher et partir à la dérive, puis reformer plus loin la prairie défaite. C’est ainsi que des passes du lac, en quelques heures, peuvent se trouver obstruées.
    Yakoua.
     
    Depuis Touggourt, je n’avais plus vu tant de mouches.
     
    Pas de bois pour les pirogues. Avec un très épais paillasson de papyrus, on fabrique des sortes de plateaux flottants, de forme allongée, à l’avant recourbé en bec de gondole. On ne peut rien imaginer de plus étrange. Cela se pousse à travers l’eau, à l’aide de grandes perches, souvent amenées de fort loin. Au bord de l’eau croît toutefois cet arbuste à fleurs jaunes dont j’ai déjà parlé. Son bois est si poreux, si léger qu’il flotterait sur des nuages. On est tout surpris de voir un tout petit enfant en porter sur son épaule une solive énorme. Il s’en sert, l’enfourchant, pour traverser l’eau. Couché là-dessus à plat ventre, il rame des pieds et des mains, et, lorsque le vent l’aide, traverse en peu de temps des bahrs assez larges.
    Il y a quantité de crocodiles dans cette partie du lac, nous dit-on {83}  ; mais, chose étrange, ils ne s’attaquent jamais à l’homme {84} – peut-être surnourris par les poissons qui surabondent. Ils détruisent les filets que les indigènes tendent. Ceux-ci, gênés au surplus par les papyrus voyageurs, ont presque complètement renoncé à la pêche.
    Le long de la rive, vers l’est, l’eau reste hors de vueet d’atteinte, derrière l’épais écran de papyrus et de roseaux. Ils dissimulent des fondrières, où l’on enfonce jusqu’au genou, jusqu’à la ceinture, où l’on peut disparaître en entier. Par instants ce rideau s’interrompt et permet accès aux pirogues, aux passeurs, au bétail qui vient s’abreuver. Je n’ai jamais vu bétail plus admirable. Ce fut d’abord, près d’un groupe de femmes, un bœuf couleur chamois, très différent de tous ceux que j’avais vus jusqu’alors ; semblable peut-être à quelque bas-relief égyptien. Ses cornes énormes étaient à peine incurvées, leur ligne extérieure continuait celle de l’os frontal et formait coiffure comme le pschent. On ne peut décrire une ligne ; mais je puis dire que la noblesse de cette courbe était telle que je songeai tout aussitôt au Bœuf Apis.
    Un peu plus loin je fus arrêté par un troupeau d’une race très différente ; vaches et taureau de couleur gris très tendre, presque blanc ; les cornes énormes, monstrueuses, dépassaient non point seulement tout ce que j’avais vu, mais encore ce que je croyais possible ; extraordinairement arquées, au contraire de l’espèce que j’avais rencontrée précédemment, et formant au-dessus du front une menace si redoutable que, ne connaissant pas l’humeur de l’animal (c’était un taureau) je crus prudent de

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