Voyage au Congo
rétrograder. Je ne m’aperçus que plus tard, repassant avec Marc et Outhman, que ce terrible monstre était entravé.
Quantité d’oiseaux merveilleux. L’un, d’azur chatoyant, si charmant que je ne me décidais pas à le tuer, la curiosité, le désir de le voir de près l’a enfin emporté. Sa tête est brune. Les plumes du dos sont d’un tendre bleu de pastel ; tout le dessous du corps est bleu clair ; les ailes vont de ce même bleu tendre au bleu le plus sombre. La queue, bleu sombre, très longue, se termine en pointe aiguë. Un peu plus loin je vis jusqu’à sept oiseaux noirs et jaunes, gros comme des sansonnets, sur le dos d’un âne.
J’avance enveloppé d’un nuage, comme une divinité ; d’un nuage de mouches. Sur les mimosas, grande abondance d’un gui, assez voisin du nôtre ; très robuste ; très ramifié ; feuilles allongées, grisâtres ; grains rouge terne, allongés.
Nous avons suivi la rive tournante jusqu’à nous trouver sur le côté opposé de l’île : et nous la traversons pour rentrer. Amusement de retrouver, jaillie du sable, cette même orobanche que j’admirais dans les dunes, au sud de Biskra ; mais elle était alors d’un mauve tendre très délicat ; à présent ce ne sont plus que des torches sèches, presque noires.
Les indigènes qui passent continuellement d’une île à l’autre, emploient pour traverser les bahrs de lac, parfois larges de plus de cinq cents mètres, des soliveaux de ce bois extra-léger d’ambatch sur lesquels ils se couchent, qui maintiennent hors de l’eau, mais ruisselants, la tête et le dos du nageur ; très Arion sur le dauphin.
… février.
Nous avons été ce matin en baleinière jusqu’au village de Yakoua, sur une île voisine. Escale dans une première île. Admirable troupeau de bœufs, que Marc photographie. On les fait traverser un bahr, à la nage. Leur tête prend appui sur les énormes cornes creuses, qui flottent comme des bouées.
Indigènes extrêmement complaisants ; dignes ; il semble qu’ils s’affinent et se spiritualisent tandis qu’on remonte vers le nord. Un très vieux chef vient à notre rencontre à cheval ; il descend et offre sa monture ; mais il en a plus besoin que nous ; du reste le village n’est pas loin. Marche dans le sable très pénible. Courte réception du chef, qui a mis pied à terre ; échange de salutations sous une sorte de hangar. Très belle et noble expression de visage du vieux chef. Il a des mains de squelette ; peau tachée de blanc. Ses deux jeunes fils (ou petits-fils) nous accompagneront à travers le village à sa place, car il est à bout de souffle. Marc tâche de filmer des scènes « documentaires » ; cela ne donne rien de bien fameux. Il s’agit d’obtenir certains groupements de nageurs, et principalement de nageuses. Si triées qu’elles soient, celles-ci ne sont pas bien jolies. Impossible d’obtenir un mouvement d’ensemble. On nous fait comprendre qu’il n’est pas décent que femmes et hommes nagent en même temps. Ceux-ci doivent précéder de dix minutes celles-là. Et comme celles-là restent sur la rive, les hommes, pris d’une soudaine pudeur, se couvrent, se ceinturent et enfilent des pantalons. Marc m’explique qu’ils vont se dénuder en entrant dans l’eau ; il compte sur un certain effet de ces vêtements portés à l’abri de l’eau, sur la tête. Mais la pudeur est la plus forte ; les hommes préfèrent mouiller ces étoffes qui sécheront vite au soleil. Si l’on insiste pour les faire se dévêtir, ils lâchent la partie et s’en vont bouder sous un palmier doum. Marc s’énerve et il y a de quoi. Au bain des femmes. Elles non plus ne descendront dans l’eau que vêtues. N’empêche qu’elles exigent que les hommes, que tous les spectateurs, nous excepté, s’en aillent, se retirent au loin. Tout cela, grâce aux simagrées, donne un spectacle assez raté. Il est midi. Le soleil tape. Nous remontons en baleinière, mais nous avons le vent contre nous. Pas de rames ; rien que des perches pour pousser, mais ici, par miracle, l’eau est profonde et l’on est presque à bout de bras avant que la perche ne touche le fond.
Nous n’avançons pas. Enfin, prenant le parti de suivre la rive, nous faisons tant que d’atteindre Bol, (où, sur le d’Uzès, nous attend notre déjeuner) vers deux heures.
L’autre baleinière a été « faire du bois » dans une autre île. Elle n’est pas encore de
Weitere Kostenlose Bücher