Voyage de J. Cartier au Canada
que lesdictz Agouionda menoient la guerre continuelle, les ungs contre les autres : mais par deffaulte de langue ne peusmes avoir congnoissance combien il y avoit jusques audict pays. Nostre cappitaine leur monstra du cuyvre rouge, qu'ilz appellent caignetdaze, leur monstrant vers ledict lieu, demandant par signe s'il venait de là et ilz commencerent à secourre la teste disant que non. Et monstrerent qu'il venoit du Saguenay, qui est au contraire du precedent : Apres lesquelles choses ainsi veues et entendues, nous retirasmes à noz barques, qui ne fut sans avoir conduicte de grand nombre dudict peuple. Dont partie d'eulx quand veoyent noz gens las, les chargeoient sur eulx comme sur chevaulx, et les portoient : Et nous arrivez à nosdictes barques feismes voylle pour retourner à nostre gallyon, pour doubte qu'il n'eust aucun encombrier. Lequel partement ne feust sans grand regret dudict peuple : Car tant qu'ilz nous peurent suyvre aval ledict fleuve, ilz nous suyvirent, et tant feismes que nous arrivasmes à nostredict gallyon le lundy quatriesme jour d'octobre.
Le Mardy 5e jour dudict moys, nous feismes voylle et appareillasmes avec nostre dict gallyon et barques pour retourner à la province de Canada au port de saincte Croix, ou estoient demourez nosdictes navires. Et le 7e jour nous vinsmes poser le travers d'une rivière qui vient devers le Nort, sortant audict fleuve : à l'entrée de laquelle y a quatre petites ysles plaines d'arbres : nous nommasmes icelle riviere la riviere de Fouez. Et pource que l'une d'icelles ysles s'avance audict fleuve, et la veoit on de loing, feist le cappitaine planter une belle grande croix sur la poincte d'icelle, et commanda apprester les barques pour aller avec marée, dedans icelle, pour veoir la nature d'icelle : ce qu'il fut faict, et nagerent celuy jour amond ladicte riviere. Et parce qu'elle fut trouvée de nulle experience n'y perfonde retournerent et appareillasmes pour aller aval.
Comment nous arrivasmes audict hable de saincte Croix, et l'ordre comme nous trouvasmes noz navires, et comme le seigneur du pays veint veoir nostre cappitaine, et comme le dict cappitaine l'alla veoir, et partie de leur coustume en particulier.
Le lundi unziesme jour d'Octobre nous arrivasmes audict hable saincte Croix ou estoient noz navires, et trouvasmes que les maistres et mariniers qui estoient demourez, avoient faict ung fort davant lesdictes navires, tout cloz de grosses pieces de boys, plantez debout joignans les unes et autres : et tout à lentour garny d'artillerie, et bien en ordre pour soy deffendre contre toute la puissance du pais. Et tout incontinent que le seigneur du pais fut adverty de nostre venue, veint le lendemain douziesme jour dudict moys, accompaigne de Taignoagny, Dom agaya et plusieurs autres : lesquelz feirent une merveilleuse feste à nostre cappitaine, faignans avoir grand joye de nostre venue : lequel leur feist assez bon racueil, toutes foys qu'ilz ne l'avoient pas desservi.
Ledict Donnacona pria nostre cappitaine de aller le lendemain veoir Canada, Ce que luy promist le dict cappitaine. Et le lendemain, 13e jour du dict moys, ledict cappitaine avecques ses gentilz hommes accompaigne de cinquante compaignons bien en ordre, allerent veoir ledict Donnacona et son peuple, qui est distant dou estoient lesdictes navires d'une lieue : et se nomme leur demourance Stadacone, Et nous arrivez audict lieu, vindrent les habitans au devant de nous loing de leurs maisons d'ung gect de pierre ou mieulx. Et la se rengerent, et assirent à leur mode, et facon de faire : les hommes d'une part, et les femmes de l'autre debout chantant et dansant sans cesse, Et apres qu'ilz s'entre furent saluez et faict chere les ungs aux aultres, ledict cappitaine donna aux hommes des cousteaulx et autres choses de peu de valleur, et feist passer toutes les femmes et filles par devant luy, et leur donna à chascun une bague d'estain, dequoy remercierent le dict cappitaine, lequel fut par ledict Donnacona et Taignoagny mené veoir leurs maisons, les quelles estoient bien estaurez de vivres selon leur sorte, pour passer leur yves, et nous fut par ledict Donnacona monstré les peaulx de cinq testes d'homme, estandues sur du boys, comme paulx de parchemin. Lequel Donnacona nous dist que c'estoient des Trudamans devers le Su, que leur menoient continuellement la guerre, et fut dict qu'il y a eu deux ans passez que les dictz Trudamans les vindrent assaillir jusques dedans ledict
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