Will

a ignoré la moquerie. « Lady Mérian est la fille du
roi Cadwgan d’Eiwas, le cantref le plus proche au sud.
    — Bran me garde contre ma volonté, a-t-elle ajouté. Il
refuse de fixer un prix pour ma libération alors qu’il sait pertinemment que
mon père serait prêt à débourser une bonne somme pour me récupérer. Et Dieu
sait que les gens ici en auraient besoin.
    — Nous nous en sortons, a remarqué Bran avec amabilité.
    — Pardonnez ma curiosité, suis-je intervenu, mais si
son père règne sur le cantref d’à côté, pourquoi n’envoie-t-il pas une armée
pour la reprendre de force ? » D’une main, j’ai désigné le petit
village construit de bric et de broc dans lequel nous étions en train de
pénétrer. « Je veux dire, ça ne lui demanderait pas beaucoup d’efforts
pour écraser cette forteresse, redoutable comme elle est…
    — Mon père ne sait pas où je suis, m’a informé Mérian.
Et de toute façon, tout est de la faute du baron. Je ne serais pas ici s’il
n’avait pas essayé de tuer Bran.
    — S’agit-il du baron de Braose ?
    — Non. » Elle a secoué sa tête, faisant rebondir
ses longues boucles. « Le baron Neufmarché – le suzerain de mon père.
Bran m’a faite prisonnière quand le baron l’a trahi.
    — C’est un peu compliqué, a déclaré Bran avec un
sourire triste.
    — Non, l’a contredit Mérian, c’est la simplicité même.
Tout ce que tu as à faire, c’est d’envoyer un message à mon père, et tu auras
l’argent.
    — En temps voulu, Mérian. Sois-en sûre. Je le ferai.
    — C’est ce que tu n’arrêtes pas de dire. » Puis,
se tournant vers moi : « Il dit toujours ça – ça fait plus d’une
année et il n’arrête pas de le dire. »
    À les entendre parler, on aurait pu croire que c’était un
couple marié déballant une rancune vieille de longues saisons de vie commune.
Ce n’était pas véritablement hostile ; je percevais plutôt une certaine
retenue, voire une sorte de respect à rebours. Ils avaient eu cette discussion
si souvent, je suppose, que la fièvre l’avait quittée depuis bien longtemps,
pour ne laisser qu’une chaleur familière de sincère affection.
    « Pardonnez ma question, mais pourquoi le baron
essayait-il de vous tuer, mon seigneur ?
    — Parce qu’il veut l’Elfael, a dit Iwan en se plaçant
derrière moi. Aucun usurpateur ffreinc ne peut s’asseoir en sécurité sur le
trône tant que Bran est vivant.
    — L’Elfael est un endroit stratégique pour conquérir
tout le Cymru, m’a expliqué Bran. C’est peut-être un petit commot, mais c’est
une prise que tant de Braose que Neufmarché convoitent pour leurs propres
intérêts. Il est entre les mains de De Braose pour l’instant, mais ça pourrait
changer.
    — Oui, a confirmé Iwan avec fermeté. Et ça ne saurait
tarder. »
    Je commençais à mieux comprendre l’urgence qui les avait
conduits à se cacher. Angleterre, pays de Galles, même combat. Les Gallois
faisaient face à ce que l’Angleterre saxonne avait subi une génération plus
tôt. Sachant qu’à présent, les Normands étaient bien plus nombreux, bien mieux
approvisionnés, et enracinés bien plus profondément dans la terre et le pouvoir
que jamais auparavant. Insatiables, industrieux, aussi déterminés que le jour
est long, les suzerains normands avaient étendu leurs longs doigts cupides sur
chaque recoin de l’île du Puissant. Ce sont des gens implacables, insatiables,
qui s’emparent de tout ce qu’ils veulent et, la plupart du temps, détruisent le
reste. Et à présent, ils avaient jeté leur dévolu sur les belles collines
au-delà des Marches.
    Je n’aurais pas parié un œuf vide sur les chances du pays de
Galles de survivre à l’attaque. Malgré toute sa force, sa gigantesque armée et
l’audacieux roi Harry à la tête des meilleurs guerriers que la Terre avait
jamais portés, l’Angleterre ne pouvait pas s’opposer à la terrible machine de
guerre normande. Malgré toute leur fierté, les habitants du petit pays de
Galles n’avaient pas l’ombre d’une chance de leur tenir tête.
    Et voilà. L’imbécile que j’étais avait lié son destin au
leur, échangeant la liberté de la route et la vie d’un homme à tout faire
itinérant pour une mort certaine dans un combat que nous ne pourrions jamais
gagner.
    Eh bien, c’est tout Will Écarlate – né et mort sous une
mauvaise étoile. Oh, mais ne versez aucune larme sur lui – il