Will

c’était quatre, pas
trois. » Il a posé une main amicale sur mon épaule. « Tu veux essayer
de nouveau ?
    — Trois ou quatre, ça ne change pas grand-chose. »
Désignant l’homme en paille, j’ai ajouté : « Il semble que notre
chétif compagnon ait survécu à l’épreuve.
    — Des flèches, Gwion Bach ! » a crié Bran, et
un jeune garçon empressé a bondi aussitôt ; deux autres gars lui ont
emboîté le pas et les trois ont couru récupérer les projectiles.
    Iwan est allé examiner le poteau. Il l’a sorti de terre et
l’a rapporté là où nous nous trouvions. Avec Angharad la banfáith – sans
oublier Siarles, qui s’était insinué entre eux –, il a commencé à scruter
les marques.
    « À en juger par les entailles faites par le passage
des flèches, a annoncé la vieille femme après son inspection, Iwan et moi
estimons que c’est celle de droite qui a entamé le plus le poteau. Nous
déclarons donc Rhi Bran vainqueur. »
    Les gens ont acclamé et applaudi leur roi. Quant à moi,
abattu par le verdict, j’ai ravalé ma déception, affiché un sourire et me suis
préparé à prendre congé.
    « Tu sais ce que cela signifie », m’a dit Bran,
aussi grave qu’une tombe.
    J’ai hoché la tête. « Le duel était loyal – ce
n’était pas mon jour, voilà tout. » Je l’ai regardé dans les yeux,
espérant y voir un peu de compassion. Mais si quelques instants auparavant ils
regorgeaient de vie et d’hilarité, ils étaient devenus froids, sans émotion.
Pouvait-il changer de comportement si rapidement ?
    « Vous méritiez mieux, a dit la dame aux cheveux
sombres.
    — Je ne me plains pas.
    — C’est dur, a remarqué Bran en jetant un coup d’œil à
la jeune femme à côté de lui, mais nous ne recevons pas toujours ce que nous
voulons ou méritons dans cette vie.
    — C’est malheureusement vrai, mon seigneur, ai-je
convenu. Personne ne le sait mieux que Will Écarlate. »
    J’ai baissé la tête, prêt à accepter ma défaite, mais ce
faisant j’ai vu que ce n’était pas moi qu’il regardait, mais la jeune femme.
Elle lui lançait un regard furieux – pourquoi, je ne peux le dire –,
paraissant mal prendre la tournure de notre petite conversation.
    « Mais, parfois, William, a annoncé le roi de la forêt,
nous obtenons mieux que ce que nous méritons. » J’ai levé les yeux
aussitôt, pour le voir recouvrer un peu de chaleur. « J’ai décidé que tu
pouvais rester. »
    Il l’avait dit si vite que je n’ai pas cru ce que j’avais
entendu. « Mon seigneur, vous voulez dire… Je peux rester  ? »
    Il a hoché la tête. « À condition que tu me jures
fidélité et m’acceptes comme ton seigneur, et que tu partages ma
destinée – aider mon Grellon et le peuple opprimé de l’Elfael.
    — Je le ferai volontiers. Laissez-moi m’agenouiller et
je prêterai serment ici et maintenant.
    — Avez-vous tous bien entendu ses paroles ? »
Son sourire était soudain large et accueillant. À moi, il a dit :
« J’aimerais avoir cent hommes aussi robustes et décidés que toi –
les Ffreincs prendraient la poudre d’escampette et s’estimeraient heureux de
sauver leur misérable peau. » Sur ce, Iwan…
     
    « Je vous demande pardon ? m’interrompt de nouveau
Odo.
    — Va-t-on jamais y arriver ? » Je soupire de
résignation, bien que ses questions ne me dérangent pas autant que je veux bien
lui faire croire – c’est toujours ça de gagné sur le moment de ma
pendaison.
    « Ce mot, Grellon  – que
signifie-t-il ?
    — C’est du breton, moine. Cela signifie
« volée » – comme les oiseaux, vous savez. C’est comme ça que se
désignent les gens de Coed Cadw – ça, ça veut dire, eh bien c’est un peu
plus compliqué. Cela signifie quelque chose comme « Forêt
Gardienne », comme si la forêt était une forteresse, ce qu’elle est d’une
certaine façon.
    —  Grellon, murmure Odo tandis qu’il écrit le
mot, en épelant chaque lettre une par une. Coed Cadw.
    — Comme je te disais, Grellon est le nom que se
donnent les gens de Rhi Bran, d’accord ? On peut poursuivre
maintenant ? » Au signe de tête de frère Odo, je reprends…
     
    Iwan a donc envoyé quelqu’un chercher l’épée de Bran, et on
m’a fait m’agenouiller dans le chaume d’orge ; alors que les premières
gouttes de pluie commençaient à tomber sur ma tête, j’ai prêté serment à un
nouveau seigneur, le roi en