11 Septembre... 1973
suffrages, le gouvernement remporte
paradoxalement une victoire, puisqu'il écarte toute possibilité de renversement
par la voie parlementaire et obtient un score très supérieur à celui qu'Allende
avait obtenu lors des élections présidentielles, trois ans auparavant.
L'opposition crie à la fraude. Elle continue à
censurer des ministres au parlement, tandis que, dans la rue, les attentats à
la dynamite se poursuivent, contre les centrales électriques et les émetteurs
de télévision.
Face à cette violence, l'Unité populaire organise
des "cordons industriels" : des organisations de travailleurs chargés
de défendre le gouvernement. Ces cordons industriels s'allient avec les comités
populaires formés dans les quartiers de la banlieue de Santiago, où vivent les
populations les plus pauvres. Comme l'explique l'historien Amando de Ramon :
"Il est possible que cette alliance d'ouvriers et d'habitants de ces
quartiers soit apparue aux yeux de l'opposition comme un ennemi vraiment
dangereux, et qu'elle lui ait fait craindre une alliance révolutionnaire
pouvant frapper au moment opportun [25] ".
Les États-Unis ont engagé une lutte sans merci
contre le gouvernement de Salvador Allende et oeuvrent à son renversement. Ils
refusent toute demande de prêt ou de crédit pour tenter d'étrangler l'économie
chilienne. L'aide économique américaine au Chili chute ainsi de 260 millions de
dollars en 1967 à 3,8 millions de dollars en 1973, tandis que l'aide militaire
progresse, elle, de 4,1 millions de dollars à 15 millions de dollars au cours
de la même période. Washington influence également les organismes
internationaux, dont l'assistance tombe de 93,6 millions de dollars en 1967 à
9,4 millions de dollars en 1973.
Après les élections, les militaires quittent le
gouvernement. Ils estiment que leur mission est accomplie puisque le scrutin
s'est déroulé normalement. Le général Prats entreprend alors un tour du monde,
au cours duquel il visite les États-Unis, l'Angleterre, l'Union Soviétique, la
Yougoslavie, la France et l'Espagne. À son retour, un mois plus tard, il trouve
une situation radicalement changée : les forces armées sont en proie à une
politisation exacerbée. Elles ont basculé massivement dans l'opposition. Des
groupes parapoliciers néofascistes font leur apparition, comme le mouvement
Patrie et liberté. Plusieurs responsables militaires reçoivent des lettres
contenant des plumes de poule, les accusant de lâcheté parce qu'ils n'osent pas
renverser le gouvernement. Dans la rue, les concerts de casseroles se
multiplient.
Le 19 avril débute la grève des travailleurs d'El
Teniente, qui dure 70 jours. Les revendications économiques cèdent rapidement
la place à la contestation politique. Les ouvriers défilent jusqu'à Santiago,
où ils sont logés dans la cour de l'Université Catholique du Chili par la
Fédération des étudiants.
Le 27 juin se produit un événement en apparence
insignifiant, mais qui contribue à accélérer le cours de l'Histoire. Ce
jour-là, le général Prats quitte son domicile en voiture pour se rendre à son
bureau. Pendant le trajet, une voiture se place à sa hauteur. Ses occupants commencent
à lui tirer la langue, à l'insulter, tout en lui adressant des gestes obscènes.
Prats leur demande d'arrêter. Comme ils n'obtempèrent pas, il tire sur le
pare-choc avant de la voiture. Le véhicule s'immobilise et deux femmes en
sortent, qui exigent des excuses. Curieusement, Prats est aussitôt entouré
d'une foule d'automobilistes en colère qui l'accusent d'avoir voulu tuer ces
femmes. Certains d'entre eux repeignent sa voiture, d'autres dégonflent ses
pneus, des journalistes et des photographes commencent à arriver sur les lieux.
Un conducteur de taxi vient à la rescousse de Prats : "Général, ils vont
vous lyncher. Laissez-moi vous sortir d'ici". Tout cela n'a été qu'une
mise en scène, bien évidemment.
Deux jours plus tard, le 29 juin, se déroule un
autre fait déterminant : le tanquetazo, le "coup du tank". À
l'aube, le deuxième régiment de division blindée dirigé par le colonel Roberto
Souper marche sur Santiago et avance vers le palais de la Moneda, où il se
heurte à la résistance de la police militaire. Alors que la bataille a déjà
fait 22 morts, le général Prats, escorté notamment par le général Pinochet,
parvient à persuader le colonel Roberto Souper de se rendre. Cette attitude
ferme permet d'obtenir la reddition
Weitere Kostenlose Bücher