11 Septembre... 1973
suivante : "En vous succédant à la tête de
l'institution que vous avez commandée avec tant de dignité, je tiens à vous
déclarer, avec mon affection indéfectible pour votre personne, mes sentiments
d'amitié sincère, qui se sont développés tout au long de notre carrière et qui
se sont particulièrement renforcés au cours des circonstances délicates que
nous venons de traverser. En vous écrivant ces lignes, j'ai la ferme conviction
que je ne m'adresse pas seulement à l'ami mais aussi et avant tout au Général
qui, dans toutes les charges qu'il a exercées, a été uniquement guidé par un
sens supérieur de ses responsabilités, aussi bien envers l'Armée qu'envers son
pays. Il m'est par conséquent profondément agréable de vous faire parvenir,
ainsi qu'à votre distinguée épouse et qu'à votre famille, mes salutations et
mes meilleurs souhaits pour l'avenir, ainsi que l'assurance que celui qui vous
a succédé à la tête de l'armée reste volontiers et inconditionnellement à vos
ordres, tant sur le plan professionnel que personnel".
Dans Exorciser la terreur, Ariel Dorfman
évoque le jour où Pinochet et Allende se sont connus [26] .
En 1946, le président chilien Gabriel Gonzalez Videla, qui avait pris le parti
des États-Unis dans la toute jeune "guerre froide", expulsa de son
gouvernement les communistes qui l'avaient aidé à se faire élire. Il fit
construire un camp de concentration à Pisagua, au nord du pays, où il déporta
des milliers de prisonniers, parmi lesquels beaucoup avaient été ses
collaborateurs et ses amis. Le responsable de ce centre n'était autre que le capitaine
Augusto Pinochet. En 1947, une commission dirigée par le député socialiste de
Valparaiso, Salvador Allende, vint s'enquérir des conditions de détention des
prisonniers. Les militaires refusèrent de le laisser entrer. Il répondit qu'il
était déterminé à visiter les installations, quoi qu'il en coûtât. Pinochet lui
répondit alors que s'il insistait, il serait forcé de lui tirer dessus. Allende
renonça finalement à sa mission et se retira. Vingt-six ans plus tard, Allende
semble avoir oublié cette anecdote quand il choisit Pinochet pour succéder à
Prats. Le Chili n'est plus qu'à 19 jours du coup d'État.
L'ancien candidat à l'élection présidentielle et
co-fondateur du Parti démocrate chrétien, Radomiro Tomic, annonce les temps à
venir lorsqu'il écrit dans une lettre ouverte publiée le 25 août : "Il
serait injuste de nier que certains ont davantage de responsabilités que
d'autres mais, à des degrés divers, nous conduisons tous la démocratie
chilienne à l'abattoir. Comme dans les tragédies grecques, tout le monde sait
ce qui va arriver, tout le monde dit ne pas vouloir que cela arrive, mais
chacun fait précisément ce qu'il faut pour que survienne le malheur qu'il
prétend vouloir éviter".
Comme le geste désespéré d'un noyé, essayant
d'éviter l'inévitable, un nouveau gouvernement est formé par Salvador Allende
le 28 août. Carlos Briones est nommé à l'Intérieur, l'amiral Daniel Arellano
aux Finances, Orlando Letelier à la Défense, le général Rolando González
Acevedo à l'Industrie minière, Edgardo Enríquez Fröden à l'Éducation, Mario
Lagos à la Santé et Pedro Felipe Ramirez au Logement. Le général José María
Sepúlveda Galindo garde son poste de ministre des Terres et des colonies.
Dans ses Mémoires, Pinochet prétend qu'il a
commencé à ébaucher un plan de coup d'État dès le mois de juin 1972. Il aurait
prévu une bataille en "double cercle" autour de Santiago. Un premier
groupe aurait engagé les combats, tandis qu'un deuxième groupe aurait encerclé
les défenses ennemies avant de lancer l'assaut final.
Le général Gustavo Leigh, commandant en chef de
l'armée de l'air, livre une version différente des événements. Il raconte qu'il
est allé voir Pinochet le 9 septembre à son domicile "où il célébrait
l'anniversaire de l'une de ses filles". Pinochet lui aurait paru serein.
Leigh lui aurait demandé ce qu'il pensait de la situation, en lui confiant
abruptement : "En ce qui nous concerne, nous n'en pouvons plus. Je crois
que nous en sommes déjà à un point où si nous n'agissons pas, le pays va au
chaos". Pinochet lui aurait répondu d'une manière prudente, en faisant
observer qu'une action "pourrait coûter la vie aux nôtres et à beaucoup
d'autres".
La journaliste chilienne Patricia Verdugo tient,
quant à elle, pour "un fait
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