11 Septembre... 1973
des mutins avant la mi-journée. Dans un
message prononcé depuis le balcon du palais présidentiel, face à la foule de
ses partisans, Allende se félicite de la "loyauté des forces de l'Armée de
terre du Chili, de la Marine et de l'Aviation".
Le tanquetazo marque durablement les
esprits. Les Chiliens se souviennent de cette rangée de chars faisant la queue
dans une station-service et repartant sans payer pour marcher sur Santiago, en
s'arrêtant à chaque feu rouge. Ils n'oublient pas non plus les victimes et, en
particulier, ce journaliste étranger mort en filmant le militaire qui
l'assassinait.
Si un premier putsch a été mis en échec, la
situation économique échappe, en revanche, à tout contrôle. En juillet,
l'Institut national de statistiques annonce que l'inflation a atteint 283,4%
sur les douze derniers mois. Un nouveau gouvernement prête serment le 9 août.
Allende fait de nouveau appel à des militaires : le général Prats est affecté à
la Défense ; l'amiral Raúl Montero Cornejo est nommé ministre des Finances ; le
général César Ruiz Danyau devient ministre des Travaux publics et des
Transports ; le général José María Sepúlveda Galindo, chef de la police, prend
en charge le ministère des Terres et des colonies ; le civil Orlando Letelier
occupe le poste de ministre de l'Intérieur.
Au sein de l'armée, l'opposition ne cesse de
gagner du terrain. L'amiral José Toribio Merino informe ainsi Prats qu'un
procès vient de débuter au Tribunal naval de Valparaíso, suite à la découverte
d'une cellule du Mouvement de la gauche révolutionnaire formée par des
sous-officiers et des conscrits de deux navires de la Marine. Les accusés ont
déjà été arrêtés et mis à la disposition du procureur.
Au même moment, la Fédération des camionneurs
entame un nouvel arrêt de travail, au prétexte que les pièces de rechange sont
mal distribuées. Elle exige l'importation de 2.800 camions neufs. Le pays est
paralysé une nouvelle fois, pour une durée indéterminée.
Les attentats terroristes reprennent. En un peu
plus d'un mois, 180 attaques à dynamite détruisent des centrales électriques,
des gazoducs et des lignes ferroviaires, dans tout le pays.
Le 21 août, 300 femmes se rassemblent devant la
maison de Prats. Elles demandent à rencontrer la femme du général, pour lui
remettre une lettre. Bientôt, 1.500 personnes se joignent à la manifestation et
la foule commence à proférer des insultes. Prats appelle l'armée en renfort,
mais celle-ci met plusieurs heures à intervenir. Entre-temps, Allende et
Pinochet sont arrivés sur les lieux pour manifester leur solidarité avec le
général. Ils sont hués par le public.
Le lendemain, Prats demande à Pinochet de sonder
les généraux et de leur demander s'ils sont disposés à rendre publiquement des
comptes sur leur attitude. Il est disposé à pardonner, mais la mission échoue.
Il présente alors sa démission à Allende. Il explique au président que s'il
continuait à exercer ses fonctions, il devrait exiger le départ de douze ou
quinze généraux, ce qui provoquerait une guerre civile. Le 23 août, Allende
annonce que Pinochet, qui lui a "donné tant de preuves de loyauté",
succède à Prats au poste de commandant en chef de l'armée de terre.
Le même jour, la Chambre des députés accuse le
gouvernement de violer la Constitution, d'empiéter sur les attributions des
autres pouvoirs, de porter atteinte aux libertés fondamentales et d'encourager
la création de pouvoirs parallèles illégitimes. Elle impute également au
président et à ses ministres l'affaiblissement de l'ordre public. Elle les
enjoint de "mettre un terme dès que possible à cette situation, afin de
ramener l'action gouvernementale dans les voies du droit". Elle en appelle
à l'armée et à la police qui, par leur inaction, terniraient leur
"prestige institutionnel".
En France, Le Monde écrit dans son édition
datée du 25 août : "Quoi qu'il en soit, c'est un succès pour l'opposition,
parce qu'elle a manoeuvré habilement et qu'elle a conduit l'opération contre le
général Prats et contre le gouvernement avec une efficacité qui permet de
supposer, une fois de plus, qu'il y a eu certaine ingérence étrangère".
A son départ, Prats reçoit l'appui de très
nombreuses personnalités, dont le poète Pablo Neruda. La manifestation de
soutien la plus cynique est celle du général Pinochet, qui envoie à Prats une
carte rédigée de la façon
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