11 Septembre... 1973
libre, impuni, une fois
de plus. La justice n'a été qu'une parenthèse de 503 jours. Pour quelques-uns,
c'est un motif de fête.
Mais le courage et la lucidité de Baltasar Garzon
n'ont pas été vains. Par son action, le juge a changé le cours de la vie
politique chilienne. Après les journées de Londres, la tutelle des militaires
sur la société a diminué et la justice a été encouragée à enquêter avec
davantage de détermination sur les violations des droits de l'homme qui se sont
produites pendant la dictature.
La vérité, 27 ans après.
Ce travail de vérité a été facilité en 2000 par la
décision de l'administration Clinton de déclassifier 16.000 documents secrets,
qui mettent au jour le rôle joué par la CIA et le gouvernement américain lors
de ce tragique 11 septembre 1973. La responsabilité des services secrets
américains dans l'opération Condor a également été établie. Comme l'écrit la
journaliste espagnole Pilar Urbano : "L'ordre de détention et
d'extradition lancé à l'encontre de Pinochet suppose une ouverture jusqu'alors
insoupçonnée du droit pénal international. Il a ouvert la voie vers une justice
sans frontière, mais maintenant... Il faut faire le chemin en marchant [11] ".
Une opinion que partage l'essayiste chilien Ariel Dorfman, lorsqu'il écrit :
"Je crois que le cas Pinochet va subsister comme un point de repère
fondamental dans la recherche d'une humanité meilleure (...). Ce qui s'est
produit avec le corps lointain et dérisoire d'un petit dictateur importera
moins, avec le temps, que l'exemplarité de sa détention et du processus
d'extradition. Avec des effets pratiques : aujourd'hui, dans le monde, il y a
des milliers d'hommes vils qui ont détruit la vie de leurs semblables, qui ont
violé des corps et torturé, et qui, à la suite du jugement contre Pinochet, ne
pourront pas voyager librement à l'étranger comme ils avaient l'habitude de le
faire. Ces hommes sont désormais emprisonnés dans les confins de leur propre
pays (...). Pendant le siècle qui s'ouvre, ils ne vont plus dormir tranquilles.
À leur tour, maintenant, de ressentir la peur (...). C'est le cadeau final du
général Pinochet à l'Humanité [12] ".
De cette façon symbolique, une dette a été payée
pour tout ce qui s'est produit au Chili après le 11 septembre 1973. Ce jour-là,
le rêve d'une voie pacifique vers le socialisme a pris fin. Allende est mort en
défendant de sa vie la démocratie chilienne. La barbarie s'est imposée. Le
terrorisme d'État a pointé ses fusils contre la population pour lui imposer le
joug d'un capitalisme sauvage.
Trente ans après, l'action de Baltasar Garzon a
ouvert un chemin vers une justice universelle. Mais la tentation de l'impunité
reste forte. Alors que les États-Unis avaient soutenu le projet de Cour pénale
internationale sous la présidence de Bill Clinton, le gouvernement de George W.
Bush multiplie les accords bilatéraux pour tenter de soustraire ses soldats à
la juridiction de la Cour. En juillet 2003, Washington a sanctionné 35 pays qui
refusaient de signer de tels accords par une interruption de son aide militaire.
Quel
a été le rôle des États-Unis dans l'arrestation de Pinochet ? Ont-ils encouragé
sa chute ou ont-ils simplement "laissé faire" ? La CIA suivait les
déplacements de Pinochet en Europe et n'ignorait pas les desseins du juge
espagnol. Elle savait ce qui allait se produire et elle a "lâché" le
général, comme elle l'avait déjà fait avec d'autres très bons élèves : Antonio
"Tachito" Somoza, le dictateur uruguayen, abandonné quand la
révolution de 1979 arrivait aux portes de Managua ; Ferdinando Marcos, aux
Philippines, en 1986 ; Manuel Noriega, à Panama, en 1989. Dans ce dernier cas,
les Américains ne se sont pas contentés de retirer leur appui à leur ancien
agent. Ils sont allés le chercher dans son pays, au terme d'une invasion
militaire, en l'accusant d'être un narcotrafiquant. L'opération qui a abouti à
sa capture avait été baptisée "Cause juste"... Plus récemment, au
Moyen-Orient, deux hommes de confiance des États-Unis, qu'ils avaient formés
pour combattre le communisme, sont devenus leurs plus sanglants ennemis Oussama
Ben Laden, en Afghanistan, et Saddam Hussein, en Irak.
Le 11 septembre... 2001
Au cours des années 1990, dans des pays comme le
Chili et dans toute l'Amérique latine, les nouveaux habits de l'exploitation
ont été ceux du
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