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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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précédente, il l’avait passée
presque entièrement à son bureau du Foreign Office. Vers deux heures du matin
encore, il télégraphiait à Goschen à Berlin, réitérant sa demande d’engagement
de l’Allemagne à respecter la neutralité belge.
    Dans la nuit, le roi des Belges avait officiellement
sollicité l’aide de la Grande-Bretagne. Il n’entendait pas céder à l’ultimatum
allemand.
    La capitale anglaise était calme en ce lundi matin. La
journée était fériée en raison du Bank Holiday. À Downing Street, les conseils
de cabinet se faisaient de plus en plus tendus. Contrairement à son habitude,
Asquith ouvrit avec plusieurs minutes de retard la réunion ministérielle. Il
entra directement dans le vif du sujet :
    — J’ai été informé ce matin de la démission de quatre
membres du cabinet…
    John Burns, John Simon, lord Morley et lord Beauchamp
se dévisagèrent.
    — … d’autres, peut-être, parmi vous sont tentés d’en
faire autant.
    Le Premier ministre se garda bien d’épiloguer. Il savait que
la situation était en train d’évoluer très vite. L’ultimatum allemand à
Bruxelles avait expiré depuis quatre heures. On attendait d’une minute à
l’autre la confirmation de la nouvelle de l’entrée des troupes allemandes en
territoire belge.
    Déjà John Simon était sur le point de revenir sur sa
décision. Lord Beauchamp, lui, n’était plus aussi fringant que la veille.
Lloyd George, on le sentait, était également sur le point de basculer. Quelques
heures plus tôt, Churchill lui avait fait parvenir discrètement plusieurs
notes. Et le chancelier de l’Échiquier n’avait guère apprécié le télégramme
comminatoire que venait de lui adresser Charles P. Scott, le patron du Manchester
Guardian . Pour qui se prenait-il, celui-là ? Pour le dépositaire
exclusif des valeurs libérales ? Que savait-il de la réalité de la
situation ?
     
    Lloyd George prit la parole :
    — Je reste. À cause de la Belgique [328] .
    Churchill ne leva pas le nez du dossier dans lequel il était
apparemment absorbé. Morley enchaîna :
    — Moi, je pars. Même une agression allemande contre la
Belgique n’atténuerait pas mon aversion pour l’Entente avec la France [329] .
    Tout avait été dit. Le cabinet se sépara. On apprendrait peu
après que Beauchamp, à son tour, avait délaissé le camp des neutralistes. Et la
manchette de l’ Evening Standard  : « Au bord de la
catastrophe », qu’il avait lue en cours de route, n’y était pas pour
grand-chose.
    De retour dans sa demeure de Wimbledon Park, Morley trouva
un message autographe du Premier ministre. Rédigé à la hâte, il s’agissait d’un
véritable appel à l’aide : « Réfléchissez deux fois, trois fois,
autant de fois qu’il y a de nombres en arithmétique, avant d’arrêter une
décision qui appauvrit le gouvernement et me laisse en plan, presque seul [330] . »
    Dans le silence de sa bibliothèque, Morley réfléchit
effectivement un nombre incalculable de fois, au cours de la nuit. À l’aube, il
n’avait pas changé d’avis et n’en tirait nul réconfort.
    Asquith se dit qu’il était temps de faire ce qu’il avait
négligé jusque-là. Il rédigea un télégramme à l’attention de lord Kitchener.
Ce dernier s’apprêtait à rentrer en Égypte. Son bateau était à quai à Douvres.
Il s’y trouvait encore lorsque le glorieux soldat prit connaissance du message
qui lui ordonnait de rentrer d’urgence à Londres.
Paris, 3 août, 11 h 15
    Peu avant le Conseil des ministres, le ministre de
l’Intérieur avait fait le point avec le chef de l’État sur la décision
importante prise l’avant-veille. Le 1 er  août, après avoir pesé
une ultime fois le pour et le contre, Louis Malvy avait fait télégraphier à
tous les préfets de France pour surseoir à l’application du carnet B.
    La répression était devenue inutile à ses yeux. L’assassinat
de Jaurès n’avait pas entraîné les réactions de violence attendues, bien au
contraire. Jusque dans ses profondeurs, la France semblait pétrifiée par la
guerre. Léon Jouhaux, le chef syndicaliste qui figurait d’ailleurs en bonne
place sur la liste noire, avait assuré à Malvy que le monde du travail ne
déclencherait pas de troubles. La direction de la SFIO, pour sa part, avait
fait savoir en sous-main qu’elle n’appelait pas à des manifestations.
    Poincaré soutenait la décision de Malvy qui lui

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