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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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ou encore Georg Ledebour. Tous décidèrent
néanmoins, lors du vote du lendemain au Reichstag, de se plier à la discipline
du parti.
    *
    Entrant d’un même pas dans la guerre, les Allemands
pouvaient s’abandonner sans retenue à leur fascination instinctive pour
l’uniforme, les grades et la discipline. L’Allemagne pouvait sans le moindre
scrupule inculquer à ses jeunes écoliers les cinq éléments fondamentaux :
fidélité, courage, obéissance, devoir et honneur.
    Un tel abandon était-il excessif ? Quelques-uns, rares
assurément, n’étaient pas loin de le penser sans trop oser l’affirmer
ouvertement. Parmi les autres figurait un certain Wilhelm Voigt. Pauvre hère,
cet ancien apprenti cordonnier avait passé près de trente années de son
existence en prison. Il le devait à deux lourdes condamnations pour escroquerie
au mandat postal puis pour usurpation d’identité. Rendu à la liberté à l’âge de
cinquante-six ans, interdit de séjour à Berlin, Voigt était quasiment perdu
pour la société.
    Le hasard le fit s’arrêter devant une boutique de fripier.
Il consacra les derniers marks qu’il avait en poche à l’achat d’une vieille
tenue de capitaine de l’armée prussienne. Pourquoi un uniforme ? Peut-être
pour se faire plaisir une dernière fois avant d’aller faire le grand saut dans
la Spree et disparaître à tout jamais.
    Chemin faisant, Voigt croisa un détachement de soldats.
Ceux-ci ne manquèrent pas de saluer le pseudo-capitaine avec tous les honneurs
dus à son rang. L’intéressé eut alors une inspiration subite. Se portant
d’autorité à la tête du détachement qui n’était commandé que par un
sous-officier, il lui ordonna d’investir la mairie de Köpenick et d’arrêter le
bourgmestre. Après quoi, il se fit remettre le plus tranquillement du monde
l’argent des caisses municipales.
    L’affaire avait provoqué un énorme éclat de rire à Berlin et
dans toute l’Allemagne. On prétendit même que le Kaiser en personne s’était
amusé de cette affaire. Appréhendé, condamné à deux ans de prison
supplémentaires, le « capitaine de Köpenick » fut gracié au bout de
quelques mois, non sans avoir reçu entre-temps des milliers de lettres ou
témoignages de sympathie sinon d’encouragement.
    Sorti de prison, Voigt exploita jusqu’à la corde sa
popularité naissante en exhibant son uniforme d’officier sur les scènes de
cabaret et de music-hall. Puis, il se retira dans la petite maison qu’il était
parvenu à acquérir – honnêtement – au Luxembourg.
    Ce 3 août 1914, la grande histoire des nations
rattrapa la petite histoire de l’aigrefin. Défilant dans les rues de Luxembourg,
les troupes du Reich croisèrent un homme d’un âge certain, les tempes
grisonnantes, revêtu d’un uniforme de la garde prussienne. Instantanément et
impeccablement, elles saluèrent le vieil homme. La revanche du « capitaine
de Köpenick »…
Londres, 3 août, 15 h 20
    Sir Edward Grey était encore plus pâle et plus grave
qu’à l’accoutumée lorsqu’il fit son entrée aux Communes. Il le savait d’avance,
le discours qu’il s’apprêtait à prononcer serait sans doute le plus important
de toute sa carrière politique. Les hésitations et les revirements politiques
de ces derniers jours appartenaient au passé. C’était en homme presque apaisé
qu’il se présentait cet après-midi devant les députés. Peu avant de se rendre
au Parlement, Grey avait confié, l’air pénétré, à Nicolson :
    — Si nous devons entrer en guerre, du moins aurons-nous
la conscience tranquille [333] .
    L’issue du débat parlementaire n’était guère évidente. Les
pacifistes n’avaient pas encore baissé pavillon. Le matin même, on pouvait lire
dans le Manchester Guardian sous la plume de l’un de ses ténors, Charles
Edward Montague : « Nous ne sommes pas en droit d’appliquer un
jugement sévère à ce que fait un homme ou une nation quand sa vie est en jeu [334] . »
Dans The Economist , F. H. Hirst soutenait encore avec vigueur
la cause de la paix.
    Le matin même, le patron du Times lord Northcliffe
avait confié son inquiétude à ses collaborateurs les plus proches :
    — Je crains que le gouvernement ne soit en train de
tourner casaque [335] .
    L’arithmétique parlementaire était d’une simplicité
biblique : 272 libéraux face à 272  tories , avec
l’arbitrage de 42 voix du Labour et de 84 Irlandais

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