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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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bonne volonté, cette argumentation ne tromperait
pas grand monde. L’Allemagne ne manquerait pas d’apparaître comme l’agresseur.
    La suite de l’ultimatum était tout aussi sidérante. Le
ministre allemand pensa qu’elle n’avait pu être rédigée par des diplomates
professionnels. Si la Belgique se rangeait du côté de l’Allemagne, cette
dernière ferait en sorte que son territoire soit augmenté aux dépens de la
France. Si Bruxelles s’en tenait à une neutralité bienveillante, elle serait
indemnisée de tous les dommages subis par les troupes allemandes. Enfin, dans
tout autre cas, ce serait la guerre.
    En prenant connaissance de l’ultimatum, le chef de la
diplomatie belge eut une réaction à peu près analogue à celle de Below qui lui
faisait face, pour une fois gêné. Juriste catholique, député de Verviers, le
baron Davignon passait pour être un modéré d’une placidité inébranlable. Ce
soir-là, il faillit sérieusement se départir de cette réputation pourtant
méritée :
    — Nous nous serions attendus à tout autre chose,
Excellence ! L’Allemagne, qui prétendait être notre fidèle amie, nous
demande aujourd’hui de jouer un rôle ignominieux [325]  !
    Dans sa hâte à mettre fin à cette situation encore plus
pénible qu’il ne l’avait envisagée, Below faillit omettre de préciser à
Davignon que l’ultimatum expirait le lendemain 3 août à sept heures
précises…
    Dans la soirée, branle-bas de combat dans la capitale belge.
Le chef du gouvernement Charles de Broqueville convoqua d’urgence un Conseil
des ministres. À ce dernier, il ne fallut que quelques brefs instants pour
rejeter à l’unanimité l’ultimatum allemand.
    Le Conseil royal se réunit dans la foulée. Il devait se
prolonger jusqu’à quatre heures du matin. Le roi Albert approuva sans réserve
le rejet de l’ultimatum. L’angoisse s’était installée. Certains ministres
commençaient à paniquer. D’autres se demandaient pourquoi on avait pris le
risque de laisser en dépôt chez Krupp des pièces de fortification déjà payées
mais qui n’avaient pu être installées parce que les travaux de terrassement
avaient pris du retard.
    En pleine réunion, Julien Davignon dut retourner en
catastrophe rue de la Loi, au ministère des Affaires étrangères, où l’y
attendait Karl-Konrad von Below. D’une agitation extrême, presque
échevelé, l’Allemand s’écria :
    — Ça y est ! Des aviateurs français ont jeté des
bombes ! Leur cavalerie a franchi la frontière ! Sans déclaration de
guerre !
    — De quoi parlez-vous donc ? Où cela s’est-il
passé ?
    — En Allemagne, monsieur le baron.
    — En Allemagne, dites-vous ? Et en quoi cela nous
concerne-t-il ?
    — Pour que vous puissiez conclure de cette violation du
droit des peuples que la France est bien capable d’entreprendre ici des actes
du même genre [326] …
     
    Troisième roi des Belges, Albert I er était
particulièrement remonté par l’ultimatum allemand. Il s’estimait trahi par le
Kaiser qui avait déjà tenté à plusieurs reprises de l’attirer dans son camp.
D’une façon plutôt maladroite, d’ailleurs. À chaque fois, le roi avait résisté.
La dernière fois se situait en novembre de l’année précédente. Albert avait mis
les choses au point :
    — Je suis Saxe-Cobourg, je suis aussi Orléans. Mais je
ne saurais oublier que je suis surtout belge [327]  !
    Albert ne comprenait pas Guillaume. Comment l’aurait-il
pu ? Aristocrate cosmopolite, féru d’art contemporain et d’alpinisme, il
dédaignait profondément l’ostentation. Même la politique l’ennuyait d’une
certaine manière. À un rapport diplomatique indigeste, il préférerait toujours
les hauteurs des cimes, une toile de Brueghel ou une symphonie de César Franck.
    S’il refusait les artifices du pouvoir, le roi Albert ne se
dérobait pourtant pas à ses responsabilités. En 1913, il avait appuyé de tout
son poids le quasi-doublement du contingent qui était passé de 180 000 à
340 000 hommes. Deux jours auparavant, il avait été également de ceux
qui réclamaient la mobilisation générale de l’armée belge.
    Au fond, était-il étonnant que ce souverain, même pas âgé de
quarante ans, pût jouir à ce point de l’amour et de la confiance de son
peuple ?
Londres, 3 août, 10 h 50
    Ce ne serait sans doute pas de sitôt qu’Edward Grey pourrait
récupérer ses heures de sommeil perdues. La nuit

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